Comment les Soviétiques interdisaient de célébrer Noël

Share this...
Facebook
Twitter

C’est «l’opium du peuple» que les autorités soviétiques appelaient la religion, ainsi que les fêtes et coutumes religieuses. Toutes les coutumes de Noël n’étaient pas seulement supprimées, mais remplacées par des inventions de propagande. Par exemple, au lieu des koliadkas traditionnels («chants de Noël»), on imposait des chants célébrant le communisme et Lénine, l’étoile communiste remplaçait l’étoile de Bethléem sur le sapin et Did Moroz («Père Gel») prenait la place de Saint Nicolas.

Les jours de Noël devenaient des jours ouvrables. Le soir, les militants communistes patrouillaient dans les rues, notant les noms de ceux qui célébraient les fêtes de Noël. Il arrivait même des cas d’arrestation. Le plus célèbre d’entre eux est celui de la «Koliada arrestée» en 1972.

«Koliada arrestée» à Kyiv et à Lviv

Le 12 janvier 1972, le KGB a arrêté les participants à une koliada de Noël, soit un total de 19 personnes à Lviv et à Kyiv. Parmi les détenus se trouvaient de jeunes intellectuels, notamment le poète Vassyl Stous, le critique littéraire Ivan Svitlytchniy, le publiciste Viacheslav Tchornovil, la poétesse Iryna Stassiv-Kalynets, l’artiste Stefania Chabatoura et le philosophe Ievhen Sverstiouk.

— Ceux qui allaient être arrêtés (que cette célébration ait eu lieu ou non) étaient déjà sur des listes. Les enquêtes avaient déjà été menées sur presque tout le monde, et les arrestation était inévitable. Beaucoup d’entre nous n’étaient pas des dissidents. Nous étions des patriotes ukrainiens.

Ihor Kalynets, écrivain

L’interdiction de Noël à Kharkiv

Malgré les persécutions visant les chanteurs de koliada, à la fin des années 1980, l’Association de la Jeunesse Ukrainienne a vu le jour à Kharkiv. Ces membres ont instauré une tradition annuelle d’organisation de Vertep («crèche de Noël») vivantes et de koliada pour les enfants et les jeunes locaux.

Photo: Ievhenia Sednieva

Konstantyn Tcheremskyï, éducateur au sein de l’Association, se souvient comment ils allaient chanter de porte en porte en 1982–1983. À l’époque, des «brigades parentales» organisées par les autorités communistes stationnaient devant les immeubles pour empêcher quiconque d’y entrer pendant les fêtes. Malgré les répressions, la tradition de la koliada a survécu à Kharkiv.
— On évitait de prendre des photos, car, malheureusement, tout était surveillé. Contrairement aux crèches traditionnelles avec des figurines, chacun s’habillait avec des costumes improvisés et nous réalisions les représentations pour nous-mêmes. Cette tradition a été transmise à notre groupe. Nous l’avons enrichie, modernisée et avons commencé à l’intégrer activement dans la vie quotidienne.

Konstantyn Tcheremskyï, éducateur de l’Association, médecin

Photo: Oleksandr Khomenko

«Koliada interdite» à Kryvorivnia

Pendant la période soviétique, l’Église a été interdite, et donc, la koliada dans le village carpatique de Kryvorivnia. Les Houtsoules (habitants des Carpates) continuaient cependant à chanter en secret. Ils organisaient la koliada dans la partie haute du village, à l’abri des regards, car les autorités pouvaient les punir. Dans les villes, les textes de koliada étaient parfois réécrits, remplaçant le nom de Jésus par celui de Lénine, car le KGB poursuivait les chanteurs.

Photo: Dmytro Bartosh

— Les habitants de Verkhovyna dansaient près de notre église, et presque chaque année certains habitants de Kryvorivnia se joignaient à eux. Ces danses étaient quelque chose d’étrange, vous savez, quand vous entendiez ces chants et ces danses, cela touchait profondément. Il n’y avait rien d’interdit ou d’antiétatique dans ces koliada.

Ivan Zelenchouk, participant à la koliada à Kryvorivnia.

La dispersion de Malanka à Belelouïa

En Galicie, à Belelouïa, comme dans les régions voisines, la célébration de Malanka a été interdite dans la seconde moitié du XXe siècle. Les locaux racontent que même lorsque la milice était venue disperser les fêtards de Malanka, le responsable de leur club, Mykhaïlo Herlib, avait encouragé les déguisés à ne pas fuir et à poursuivre les festivités. En fin de compte, ils ont défendu leur tradition, même si, plus tard, les autorités soviétiques ont convoqué l’homme pour l’interroger et l’ont forcé à rédiger des explications.

Photo: Artem Halkine

— À l’époque, j’étais moi-même participant à Malanka. J’ai été convoqué à la fois par le KGB et par la milice. Ils n’aimaient pas que les gens se rassemblent, qu’ils s’unissent. Ils détestaient ces traditions. J’ai dû me rendre au KGB pendant un mois pour rédiger des explications, écrire que les festivités de Malanka n’avaient effectivement aucun lien avec la religion.

Mykhaïlo Herlib, responsable du club de Narodnii Dim («Maison du Peuple») de Belelouïa.

Le dossier est préparé par

Fondateur d'Ukraїner:

Bogdan Logvynenko

Auteure:

Dasha Titarova

Rédactrice en chef:

Natalia Ponedilok

Rédactrice:

Ania Yablutchna

Éditeur photo:

Yourii Stefanyak

Responsable de contenu:

Yana Rusina

Traductrice:

Inna Omelchenko

Coordinatrice d'Ukraïner en français:

Olga Gavrylyuk

Suivez l'expédition