Où trouve-t-on du cannabis en Ukraine ?

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Le cannabis est une des plantes agricoles les plus anciennes utilisées par l’humanité. Depuis 1931, dans la ville de Gloukhiv en Sévérie, fonctionne un institut des cultures libériennes. Les experts de cet organisme scientifique ont développé quelques dizaines de nouvelles sortes de cannabis. Ils améliorent également les variétés existantes, ainsi que les procédés de traitement de celles-ci. Certaines sortes créées ici sont devenues célèbres dans plusieurs pays étrangers, alors que les membres de l’équipe de l’institut jouissent d’une reconnaissance internationale auprès de sociétés savantes.

Cordes, cordons, tissus, matériaux à voile et pour sacs — la liste d’objets, produits depuis longtemps à partir de fibres de cannabis, est longue. Aujourd’hui, on utilise le cannabis dans l’industrie manufacturière, dans le bâtiment, dans l’agriculture et dans le secteur alimentaire. La « capitale » de la culture du cannabis ukrainien est Gloukhiv. À l’origine, il y avait ici une station de recherche scientifique qui sélectionnait des sortes de plantes locales propres à cette zone géographique. Maintenant, les spécialistes de l’Institut de Gloukhiv de l’Académie nationale de l’agriculture de l’Ukraine cultivent les spécimens de cannabis industriel et de linum (lin) elongatum les plus qualitatifs en termes de paramètres biologiques et techniques.

Sélection
Développement ou amélioration d’espèces d’animaux domestiques et de sortes de plantes.

C’étaient les chercheurs de Gloukhiv qui ont été parmi les premiers au monde à commencer à travailler sur le cannabis médical. Aujourd’hui, les sortes développées à l’institut sont reconnues comme ayant le plus bas taux de substances narcotiques. Les membres de l’équipe sont certains de disposer des capacités nécessaires pour cultiver le cannabis médical non-narcotique, alors que les variétés de plantes créées ici se distinguent par la haute concentration en fibre textile et par l’abondance des graines.

Perfectionner les sortes existantes

L’institut des cultures libériennes (plantes cultivées pour du tissu) a vu le jour il y a 90 ans à Gloukhiv en Sévérie sur la base du laboratoire de recherche qui étudiait l’utilité scientifique de faire pousser le cannabis et d’autres plantes. Le laboratoire se concentrait uniquement sur les variétés locales en développant des nouvelles méthodes de cultivation et de traitement initial de plantes.

Au départ, les moissons n’étaient pas abondantes en comparaison avec celles d’aujourd’hui. Dans les années 1930, un hectare de végétation donnait à peu près 4 tonnes de paille avec une tenue en fibre de 10 pour cent. De nos jours, les récoltes ont augmenté de centaines de kilos et la concentration en fibre a atteint approximativement 30 pour cent (de la masse totale).

Des centaines de sortes de cannabis existent maintenant dans le monde et affichent différentes propriétés physiques et technologiques. Cela s’explique aussi bien par le travail des sélectionneurs que par la large présence géographique de cette plante à travers le globe, – nous renseigne Viatcheslav Vyrovets’, le Directeur de recherche du Département de la sélection des graines du cannabis.

— Il s’est établi un certain groupage en fonction du lieu de cultivation du cannabis. Les plantes de la zone centrale européenne ont une période de pousse plus longue et peuvent donner des récoltes plus abondantes. Celles du sud possèdent des capacités tout à fait différentes. Dans nos champs, elles atteignent 1,5-2 mètres de haut. Mais il existe des plantations où le cannabis atteint 3,5, 4 et même 5 mètres.

Au commencement du XXème siècle, le cannabis était une plante dioïque : les fleurs mâles et femelles poussaient sur des plantes distinctes et la pollinisation se réalisait par la transmission du pollen des mâles sur des femelles. Comme les plantes mâles mûrissaient plus tôt, une fois la pollinisation finie, elles devaient être retirées du champ exclusivement à la main (un procédé assez laborieux à l’échelle industrielle). La sélection des plantes monoïques a pris du temps. Il s’agissait de réussir à faire pousser et fleurir des fleurs mâles et femelles sur un même pied.

Un institut nouvellement créé avait pour mission d’éliminer les plantes qui ne portaient que des fleurs mâles. À la fin des années 1930, la mission a été accomplie par l’académicien Mykola Grychko. Il a conçu une variété de cannabis monoïque au fleurissement simultané. C’était précisément sur cette variété qu’ont travaillé ensuite les chercheurs.

Mykola Grychko
Chercheur ukrainien en botanique, en génétique et en sélection végétale. À Kyïv, son nom à été donné au Parc botanique de l’Académie des sciences.

L’institut dispose d’une collection de variétés de graines de cannabis parmi les plus importantes au monde : 513 spécimens dio- et monoïques de 25 pays différents (Allemagne, Hongrie, Russie, Afghanistan, Chine et autres).

Aujourd’hui, la sélection de nouvelles sortes est en partie arrêtée. Néanmoins, les chercheurs continuent de travailler sur les variétés existantes et les perfectionnent graduellement. L’institut des cultures libériennes possède et loue des terrains d’une surface générale d’environ 1000 hectares. Tout au long de son fonctionnement, l’établissement a réussi à créer à peu près une vingtaine de variétés absolument nouvelles. Beaucoup d’entre elles ont des caractéristiques uniques, car créées avec des buts spécifiques. Ainsi, les chercheurs ont développé, entre autres, des sortes bioénergétiques (avec deux fois plus de biomasse sèche utilisable en tant que combustible solide), des sortes riches en huile (38-40 % au lieu des habituels 28-30 %), riches en fibre et en bûchettes.

Bûchettes
Les parties rigides des tiges obtenues après le traitement initial d’une plante.

La marihuana comme un médicament. Les perspectives du cannabis médical

Le cannabis médical comprend les sortes de marihuana qui, à travers leurs composés chimiques (certains types de cannabinoïdes), peuvent produire des effets positifs sur le système nerveux humain (réduire les douleurs chroniques et les spasmes, par exemple) et qui ne possèdent pas de propriétés psychotropes.

Au passage, pendant longtemps, le cannabis n’était pas perçu comme un stupéfiant. Au début des années 1970, les surfaces, dédiées à cette culture sur le territoire de l’ancienne URSS, couvraient autour de 250-300 mille hectares, nous informe Viatcheslav Vyrovets’. La situation a changé quand la communauté internationale a adopté une série d’actes (à l’instar de la Convention sur les substances psychotropes de 1971) limitant ou même complètement interdisant la cultivation du cannabis.

— Autrefois, le cannabis ne préoccupait personne. Mais en 1972, les représentants des ministères de la santé et de l’intérieur sont vénus nous voir pour nous adresser un ultimatum : soit notre institut entreprend la sélection du cannabis non-narcotique, soit il ferme. À l’époque, nous avons même trouvé ce défi intéressant. Cependant, certains de nos pairs pensaient que c’était une cause perdue.

Il s’agissait de concevoir des variétés sans stupéfiants et, en même temps, de ne pas perdre en volume de récoltes. Des rendements diminués pourraient, à leur tour, réduire l’intérêt envers la plante.

À présent, les cannabinoïdes non-narcotiques les plus populaires au monde sont le cannabigerol (CBG) et le cannabidiol (CBD), dont le dernier est utilisé dans l’industrie médicale comme un analgésique. Des études scientifiques ont démontré les effets bénéfiques du CBD sur le corps humain avec possible utilisation dans des cycles de traitement complets contre les inflammations, l’épilepsie, le psoriasis, la sclérose en plaques, comme un bloqueur de tumeurs cancérogènes et d’autres affections.

En Ukraine, la législation en date de juillet 2021 reconnaît illégales la distribution, la vente ou la possession de cannabis médical. Le 13 juillet, le Parlement a échoué à adopter le projet de loi nº 5596 qui prévoyait de donner aux personnes malades l’accès au cannabis médical et envisageait de réguler sa circulation. Par conséquent, environ 2 millions d’Ukrainiens, éprouvant le besoin de médicaments basés sur le cannabis, attendent toujours l’aboutissement de ce projet législatif.

Aujourd’hui, l’institut a pratiquement réussi à sélectionner un cannabis non-narcotique. Les spécialistes sont prêts à le perfectionner à des fins médicales, mais ils font face à plusieurs obstacles. Et si les partenaires aident à créer de bonnes conditions et à obtenir les équipements nécessaires, le travail ne peut pas commencer à pleine vitesse à cause de la législation en vigueur, – nous confie l’ancienne Directrice du Département de la sélection de plantes et de graines Iryna Laïko.

— En Europe (de l’Ouest) et en Amérique, la tenue en THC (l’élément psychoactif tétrahydrocannabinol) est entre 0,2 et 0,3 %, alors que nous, nous ne pouvons pas dépasser 0,08 %. Telle est la limite légale. Mais nous pourrions créer des sortes avec 1,5-2 % et ce seraient des sortes médicales stables, véritablement capables de guérir les gens.

La plupart des cannabinoïdes se situent dans la partie verte du cannabis, à savoir sur la surface de feuilles couvertes de poils poreux. Les autres parties de la plante, les tiges, les racines et les graines contiennent, quant à eux, des quantités de cannabinoïdes plus petites.

Actuellement, l’Institut des cultures libériennes développe de nouvelles sortes et perfectionne les sortes existantes en étroite collaboration avec l’organisme de recherche scientifique Canbex Group, dont l’équipe se penche maintenant sur une nouvelle variété de cannabis médical. Dans le cadre de leurs recherches, les experts ne travaillent que sur les tiges et les graines, les parties vertes de plantes étant toujours inaccessibles selon les lois ukrainiennes.

L’institut attend les changements législatifs pour entreprendre non seulement la cultivation des sortes techniques, mais aussi des sortes médicales en mesure d’aider les gens qui en ont besoin. Les scientifiques sont convaincus qu’il est grand temps de mettre fin aux stéréotypes sur le cannabis comme une plante narcotique. Parce que l’application de la marihuana thérapeutique représente une filière de traitement médicinal à part entière.

Les tests pour les cannabinoïdes

Aujourd’hui, l’Institut des cultures libériennes étudie les plantes au moyen d’analyses quantitatives et de chromatographie sur couche mince. Les membres de l’équipe ont appris à reconnaître directement dans les champs les spécimens avec un THC plus élevé et peuvent donc les enlever déjà avant le fleurissement.

Concernant les analyses laboratoires, celles-ci s’effectuent pour identifier des éléments importants, tels que le cannabidiol (un élément sans propriétés psychoactives), le tétrahydrocannabinol (la principale composante psychoactive) et le cannabinol (un élément psychoactif faible). Pour la future sélection, on choisit les plantes avec de faibles taux de substances psychoactives. Leur présence peut se vérifier grâce à des plaques spéciales, nous informe la chercheuse seniore du Département de la sélection des graines du cannabis Ganna Kyrytchenko.

— Pour réaliser une analyse, nous prenons une feuille de cannabis et la coupons légèrement. Puis, nous mettons la feuille sur un papier-filtre, trempé préalablement dans une solution de soude et séché. Ensuite, nous couvrons la feuille avec la même solution mélangée à un colorant bleu. En quelques secondes, cette solution se teint en rose d’une intensité variable en fonction du taux de cannabinoïdes. Moins la feuille a l’air rose, moins la plante contient de cannabinoïdes.

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Pour obtenir des résultats plus précis, il faut mener des analyses par la voie de chromatographie sur couche mince. Seulement le chromatographe permet de voir le pourcentage exact de cannabinoïdes dans la plante. Sur la base de ces tests, chaque spécimen reçoit une note au regard de laquelle il va être soit gardé, soit rejeté.

Lors de la période de floraison générale, le Centre criminalistique ukrainien prend des exemplaires de chaque variété pour effectuer sa propre expertise. Si les cannabinoïdes interdits dépassent la norme au moins dans une plante, toutes les plantations existantes doivent être détruites.

Le textile et le bâtiment. Comment fabriquer des fibres à partir du cannabis

La gamme de produits fabriqués avec les fibres du cannabis est assez large, assure le membre du Département du traitement et de la technologie des cultures libériennes Petro Loukianenko.

— Nos fibres, nous les envoyons à la société « Soumykamvol ». Elle les utilise pour produire du textile non-tissé convenable pour l’isolation thermique des logements. Ça peut aussi servir à produire des couettes, des cordons et, par extension, des vêtements : jeans, chemises et ainsi de suite. Il y a des entreprises à Kyïv qui fabriquent même des chaussures à partir de fibres de cannabis.

Des fibres longues s’utilisent aussi dans la production de cordes, de ficelles, de bâches et du fourrage pour des câbles. Sur le marché, elles valent plus que les fibres courtes, même si ces dernières trouvent aussi leur application, indique le spécialiste.

— L’autre jour, pendant notre conférence, nous avons rencontré une entreprise nommée « Velam ». Elle produit des matelas orthopédiques à partir du cannabis, en y ajoutant d’autres composants, tels que des algues. L’entreprise vend des matelas pour enfants, pour adultes, bref, plusieurs sortes de matelas.

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Une demande aussi considérable existe également pour les bûchettes. Elles sont prisées dans le bâtiment dans les travaux d’isolation (production de briques et de murs à partir des matériaux pressés), dans la fabrication de meubles et même comme un combustible pour chauffer des locaux. Une entreprise qui sème, récolte et traite toute seule ses matières premières, réduit par deux les coûts de fabrication de tels produits par rapport aux procédés standard.

Quand il s’agit de semis massifs, l’introduction de chaque nouvelle sorte s’accompagne d’un essai public. Le mûrissement du cannabis ouvre la voie à la période de récolte. Ce processus se passe différemment, selon les types de plantes, nous indique Petro Loukianenko.

— Le cannabis cultivé pour les semences se récolte pendant la maturation des graines dans la partie supérieure de la plante, c’est-à-dire, des graines dans les fleurs. Il existe aussi le cannabis cultivé pour des fibres. On en récolte des tiges et on commence à le faire dès l’apparition de la première graine. Pour accommoder ces deux modes de cultivation, des machines de récolte spécifiques ont été développées.

Une partie des équipements présents à l’institut date de l’époque soviétique mais reste toujours en utilisation. La marihuana du type fibreux se récolte avec une moissonneuse. Les tiges s’introduisent dans la machine et sont transportées vers le séparateur, un appareil coupant qui sépare les mauvaises herbes. Puis, à travers le transporteur sectionnaire, toutes les tiges vont au tapis roulant aiguillé qui, à son tour, les envoie vers les appareils rangeant le cannabis recueilli sous un certain angle.

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Après la coupe, les plantes sèchent dans les champs et y restent tant que les tiges vertes ne deviennent pas jaunes. Au cours de ce processus, apparaissent les bactéries qui divisent les tiges du cannabis, d’un côté, en une partie boisée, située dans la zone intérieure de la plante, et de l’autre, en une partie superficielle fibreuse.

La partie séparée (boisée) de la tige qui prend une couleur grise est considérée comme une plante « rouie » et elle fournira du tissu après le traitement. Durant cette manipulation, une partie de la matière passe en déchets, qui, eux aussi, formeront un tissu, plus court et moins prisé que le tissu long.

Les tiges rouies s’amassent dans des rouleaux et se livrent à des points de traitement, dont un situé directement à l’institut. Ce procédé est assez laborieux, dit Petro Loukianenko.

— Nous mettons l’emballage sur le dérouleur. Ensuite, vient l’étape du raffinement de la couche et de la suppression partielle des éléments boisés, c’est-à-dire, des bûchettes. Finalement, nous obtenons des fibres pures. Les fibres avec des restes de bûchettes sont transportées à l’atelier de teillage où elles s’en séparent à nouveau. Les bûchettes enlevées vont dans un collecteur et les fibres produites sont récupérées, pesées et mises en bottes avant d’être expédiées vers nos acheteurs.

Teillage
L'une des étapes de fabrication de la matière première pour du filage en lin et en cannabis.

Les tiges du cannabis, laissées dans les champs après la récolte avec des moissonneuses, y restent jusqu’au printemps, moment où elles seront recueillies par des machines agricoles de spécialisation générale. Pendant ce temps, les tiges prennent de l’humidité et se brisent souvent. Alors, on les ramasse avec de simples râteaux, on les enlève à l’aide d’un presse-collecteur qui crée des gros emballages en forme de rouleaux ou de bottes.

Malgré le manque d’équipements à l’institut, les chercheurs continuent d’améliorer leurs méthodes de production en ne s’arrêtant pas aux résultats déjà obtenus. Dans leurs projets, premièrement : développer des capacités à traiter des matières premières différentes, en particulier, celles dont la couche fibreuse n’aurait pas le temps pour se détacher de la tige, deuxièmement : simplifier le schéma de production à travers la diminution du nombre de machines utilisées et l’acquisition d’un appareil de traitement mobile à même de travailler sur plusieurs sites. Aujourd’hui déjà, en plus des fibres de cannabis, l’institut traite les fibres du lin.

Le cannabis comme nourriture

Une autre sphère d’utilisation du cannabis en vogue est l’industrie alimentaire. Parmi les sociétés actives dans ce domaine, une entreprise « Desnaland », qui fabrique des produits écologiques à partir de matières premières commandées, entre autres, à l’Institut des cultures libériennes de Gloukhiv. La société a été fondée en 2014 par l’entrepreneur Michel Terechtchenko. À l’heure actuelle, elle crée des produits alimentaires en utilisant le cannabis, le lin et la citrouille, en vendant sa production non seulement dans des magasins bio, mais également auprès des grandes enseignes commerciales, fait remarquer le Directeur de « Desnaland » Serguï Kourgaline.

Les Terechtchenko
Une famille d’industriels, de propriétaires terriens et de mécènes ukrainiens issus de Gloukhiv.

— Nous produisons trois types d’huile : l’huile de cannabis, de lin et de citrouille. En plus de ça, il y a trois types de farine et des fibres alimentaires. Nous faisons des protéines de cannabis et de citrouille, des pures et avec des ajouts de vanilline et de chocolat. Nous vendons également des graines de cannabis pelées. À l’avenir, nous pourrions fabriquer des confiseries, car nous avons des capacités pour créer des barres sucrées, des en-cas et du halva.

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Ces dernières années, la demande pour de tels produits augmente continuellement. D’après Serguï, de plus en plus d’entreprises entrent sur le marché du cannabis. La région a déjà des fabricants de vêtements en cannabis, du textile et même des couverts de table. Ce business est indispensable pour le progrès économique du pays, est persuadé le directeur. De plus, les consommateurs obtiennent l’accès à des produits bio de qualité. L’apparition de telles marchandises sur les rayons des magasins ukrainiens est une preuve de plus de la sécurité du cannabis, ce qui, à son tour, aide à démonter les stéréotypes négatifs et bien ancrés envers cette plante.

La sélection des plantes haut de gamme

Chaque année, les spécialistes identifient les meilleurs spécimens de la récolte. Ils les transportent vers des hangars spéciaux pour un battage individuel. Ensuite, les graines sont testées selon un nombre de critères économiques et biologiques, nous éclaire Ganna Kyrytchenko.

— Les plantes sont traitées dans la batteuse qui sépare les graines de l’épi. Après cela, pour recevoir des graines de qualité, nous les trions pour en enlever des vides et pour supprimer les éventuels restes de l’épi. Ensuite, nous versons les graines dans des sacs marqués avec le numéro de l’institut, le numéro du catalogue national et le code de la culture de la plante. Plus tard, nous ficelons ces sacs ensemble en fonction de leur terrain de récolte et, à la fin, nous les livrons au laboratoire pour vérifier leurs caractéristiques.

Les tiges nécessitent une analyse à part : on mesure leur longueur générale, leur longueur technique et leur diamètre. Une fois fait, on libère les tiges de rameaux et on procède à l’extraction des fibres pour en établir la concentration dans chaque plante. Les meilleurs exemplaires sont sélectionnés pour un futur semis.

Longueur technique
La longueur de la tige jusqu’au premier embranchement.

Les plantes sont placées dans des viviers d’évaluation spécifiques où les spécialistes évaluent leurs jeunes pousses, observent leur croissance et la dynamique de leur développement. Les plantes les plus qualitatives peuvent servir de base pour les spécimens du futur. Ainsi se déroule l’amélioration des sortes existantes. Les spécimens qui ne répondent pas aux critères, seront refusés et éliminés. Nous sommes particulièrement attentifs à la probabilité d’apparition de plantes mâles dans la descendance, indique Ganna Kyrytchenko.

— Nous récoltons les graines, établissons leur tenue en huile et les semons au printemps. Lors de la percée de boutons, nous veillons à ce que la plupart des fleurs soient femelles. Les populations de plantes peuvent se scinder, ce qui entraîne la multiplication de fleurs mâles. De telles plantes ne sont pas nombreuses mais, avec les fleurs femelles donnant plus de graines, les mâles sont tout de même à éviter.

Pendant cette période, le cannabis nécessite des soins considérables. Suite à l’apparition de fleurs, les experts vont éliminer les plantes défectueuses trois fois par semaine, pour éviter l’interpollinisation entre les spécimens. L’arrosage se réalise avec la même fréquence et à la main, à l’aide d’un simple tuyau. Les plantes dioïques se pollinisent avec des plantes mâles. Comme il n’y a pas de vent dans les serres, tous les matins les spécialistes secouent les plantes dans chaque isolateur (un espace à l’intérieur de la serre dédié à la cultivation du cannabis et séparé par un film en plastique).

S’il s’agit de sélectionner une sorte complètement nouvelle, il faut compter 7-10 ans, voire plus. La spécialiste nous fait savoir que, depuis la création de l’institut, pas mal de variétés remarquables et originales ont vu le jour :

— Nous possédons des sortes riches en fibres, à l’instar de Gloukhivs’ky 51 ; des sortes uniques par leur teneur en cannabinoïdes, telles que Gloukhivs’ky 58 (Viktoria) dans laquelle les stupéfiants ne se détectent pas même avec de l’équipement spécialisé, car ils sont équivalents à des dixièmes de millième de pour cent ; des sortes exceptionnelles par la qualité de leur tissu, par leur précocité et d’autres caractéristiques morphologiques. Il y a aussi Yousso 45, une variété pratiquement sans odeur de cannabis. Chacune d’elles est unique à sa manière.

Les nouvelles plantes passent toujours des évaluations de leur maturité technique et biologique. La maturité technique représente le moment quand la plante devient prête pour l’utilisation humaine (par exemple, quand se forment les fibres). La maturité biologique survient plus tard et il n’est pas toujours nécessaire de l’attendre (chez des sortes fibreuses, durant la période entre la maturité technique et biologique, de nouvelles fibres ne se forment presque plus).

Les exemplaires avec les meilleures caractéristiques biologiques et morphologiques (grande tenue en fibres, considérable productivité en graines) sont perçus comme les plantes haut de gamme. Néanmoins, le travail ne finit pas là puisque ces spécimens doivent encore subir des tests rigoureux relatifs aux cannabinoïdes. Ceux qui en contiendront, seront enlevés pour ne plus être semés.

Ensuite, les chercheurs envoient à Kharkiv (au Centre national des ressources génétiques végétales) les graines retenues après tous les tests, où celles-ci sont emballées à certains degrés de température et d’humidité. Après cela, on peut les garder plus de 10 ans et les semer à nouveau dans des serres, si besoin.

Comment récolte-t-on les graines

En ce qui concerne les plantations graineuses, leur traitement dans les champs est similaire à celui des sortes riches en fibres. Les plantes se récoltent avec une moissonneuse, puis se déplacent via le tapis roulant aiguillé et finissent dans la machine de ficelage. La machine crée des bottes de certain diamètre. Les tiges ainsi regroupées sont liées avec une ficelle et placées dans le champ à une intervalle de 4 à 5 mètres. Les 3-4 jours suivants, les tiges sèchent. Après, on les met pour un temps dans des bottes de forme conique.

La récolte complètement sèche va à la batteuse de cannabis. Une telle machine est maniée par 5-7 membres de l’équipe. Les bottes séchées pleines de graines sont placées sur un tapis roulant, de façon à ce que la partie graineuse entre dans la zone de traitement, où elle sera grattée avec des tambours. L’étape suivante – la purification par l’air après laquelle on ramasse les graines sèches dans des sacs. Précédemment, la technologie du moissonnage-battage d’une traite permettait d’éviter tous stades individuels, révèle Petro Loukianenko.

— Cette machine, une moissonneuse-batteuse de cannabis, a été créée dans notre institut même. L’inconvénient avec une telle récolte directe était l’humidité de graines que l’on devait sécher ensuite. Aujourd’hui, ce type de machines appartient à l’histoire, car tout le monde est passé à des machines de récolte de blé, plus universelles dans le fonctionnement et utilisables avec pratiquement toutes les cultures, le cannabis compris.

Si les graines se récoltent avec ce type de machine, on doit les envoyer ensuite au point de traitement pour un nettoyage initial de détritus légers, tels que feuilles mortes, bûchettes et mauvaises herbes de petite taille.

Le prochain pas est de trier les graines selon les attentes de l’acheteur ou dans la perspective du futur semis sur les espaces de l’institut. Le service commercial réalise des ventes auprès des entreprises intéressées. Les acheteurs principaux sont des entrepreneurs locaux. En même temps, le carnet de commandes ne se limite pas à l’Ukraine et inclut aussi des marchés étrangers, tels que les États-Unis, le Canada, l’Italie ou la Chine.

Les enthousiastes de la science ukrainienne

Présentement, la question d’augmentation de la productivité graineuse du cannabis est traitée par les établissements de recherche canadiens et, dans une moindre mesure, nord-américains. Au nord de la France et en Lituanie, on cultive la sorte finlandaise Finola. Mais en réalité, aujourd’hui, la sélection de nouvelles variétés de cannabis est pratiquement abandonnée. Par conséquent, les acteurs étrangers s’en remettent à l’Institut de Gloukhiv pour lui commander des sortes locales. La spécificité de l’établissement ukrainien réside dans son approche holistique envers la cultivation du cannabis, nous renseigne Iryna Laïko.

— L’Europe (de l’Ouest) s’occupe de la sélection de sortes populaires déjà existantes (Futura, Felina) qui ont été développées il y a des dizaines d’années. Ils ne travaillent pas avec des nouvelles sortes. En Europe de l’Est, cette filière de recherche était autrefois active dans l’URSS. Mais, dans la Russie d’aujourd’hui, la science de sélection est totalement détruite. Par contre, ici, nous avons des variétés qui sont reconnues mondialement comme les moins narcotiques. Notre plus grand succès est d’avoir établi ces sortes comme marques de fabrique.

En Ukraine, le développement de cette filière est souvent ralenti par le manque de financements, qui rend impossible l’acquisition des équipements complémentaires, de matériaux et de réactifs chimiques, nous confie la chercheuse.

— Nous allons souvent à l’étranger. Quand vous arrivez, disons, en Lituanie, vous vous retrouvez dans un laboratoire équipé d’appareils les plus modernes. Vous comprenez que, là-bas, vous pouvez accomplir beaucoup, mais qu’en même temps, vous devriez tout laisser sur place, toutes vos recherches. Puis, vous retournez en Ukraine et vous vous rendez compte que, ici aussi, vous pouvez accomplir beaucoup, et que, malgré ça, vous avez beaucoup de contraintes.

D’après Viatcheslav Vyrovets’, l’établissement manque également de fonds pour verser les salaires à temps, pour acheter assez d’engrais et de détails mécaniques. La majorité de la surface est occupée par la sorte Gloukhivs’ky 51, cultivée pour l’exportation. La vente de graines permet d’acquérir une partie de machines et d’équipements nécessaires.

— Maintenant, seuls les enthousiastes dévoués restent dans la science. Beaucoup de collègues obtiennent leurs doctorats et partent chercher un emploi mieux rémunéré. Nos serres ont 30-35 ans d’âge. Ce sont des serres ordinaires que nous avons adaptées au cannabis. Mais, même elles, elles ont besoin de rénovations.

Malgré cela, le collectif de l’institut est persuadé que leur établissement n’a pas son pareil dans le monde. Nonobstant les difficultés existantes, pour beaucoup de membres de l’équipe, leur activité est devenue non seulement un travail, mais aussi une entreprise extraordinaire, procurant du plaisir et capable d’aider les autres.

Le 26 mars 2021, Viatcheslav Vyrovets’, docteur en agriculture, professeur des universités et créateur de nouvelles sortes de cannabis a disparu. Le scientifique a travaillé à l’institut depuis 1964 et a commencé comme chercheur junior du Département de la sélection des graines de céréales et des pommes de terre.

— L’enfance de l’après-guerre était l’enfance affamée. Tout ce que vous faisiez était centré sur la recherche de la nourriture. Il fallait connaître les sols de prédilection de différentes plantes, il fallait savoir comment les faire pousser. Déjà, avant le lycée, je connaissais l’agriculture et ses particularités. Ma mère et nos voisins nous disaient à nous, les enfants : « Étudiez bien pour ne pas devoir faire paître les bœufs toute la vie, comme nous ». Et vous savez, leurs mots nous convainquaient.

Seulement un an après le début du travail à l’institut, le chercheur commence à s’occuper du cannabis. Des années plus tard, une photo de Monsieur Vyrovets’ est mise à l’honneur dans le Musée du cannabis à Amsterdam. Le scientifique confie n’avoir jamais considéré d’autres voies dans la vie:

— Mes parents étaient des paysans ordinaires. J’avais commencé comme un gars de la campagne et, me voilà maintenant, célèbre. Gloukhiv est ma ville natale sans laquelle je ne m’imagine pas. On peut dire aussi que je suis amoureux de la culture du cannabis et que je ne m’en séparerai jamais. Elle est le sens de ma vie. Mais je ne suis pas le seul comme ça ici, et cet institut repose sur des gens comme nous.

Le dossier est préparé par

L'auteur du Ukraїner:

Bogdan Logvynenko

Chef de projet,

Responsable de contenu:

Anastasiia Jokhova

Auteur:

Andrij Chestaliouk

Rédactrice en chef:

Natalia Ponedilok

Rédactrice:

Zoya Chevtchuk

Productrice,

Intervieweur:

Karina Piliugina

Assistante de producteur:

Diana Gorban

Yulia Bezpetchna

Natalija Vychynska

Viktorija Kravtchuk

Assistante de producteur:

Maksym Sytnikov

Photographe:

Romain Matkov

Opérateur caméra:

Pavlo Pachko

Opératrice caméra:

Sacha Nikitina

Monteuse:

Nadija Melnytchenko

Réalisateur:

Mykola Nosok

Ingénieur du son:

Anastasiia Klymova

Scénariste:

Mykola Bezkrovny

Éditeur photo:

Katya Akvarelna

Transcripteuse audio:

Alina Kondratenko

Olga Chelenko

Yulija Kouprijantchyk

Ksenia Zaviryukha

Vladislava Kochova

Alina Didenko

Trascripteur audio:

Vitalij Kravеchenko

Traducteur:

Oleksandr Gryniuk

Éditeur de traduction:

Faustine Felici

Responsable de contenu:

Yana Rusina

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