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Le 20 février 2014 est connu comme le jour où la Russie a commencé l’occupation de la Crimée. La disparition des activistes ukrainiens, l’intimidation des habitants et leur utilisation en tant que « bouclier humain » lors des prises des institutions clés, l’organisation d’un pseudo référendum, voici une liste non exhaustive de ce que le pays agresseur a causé sur le territoire de la péninsule. L’occupation de la Crimée a été un événement révélateur qui a permis à la Russie de tester la réaction du monde entier sur son intention de faire revenir les territoires soi-disant « historiquement russes » dans son giron. La plupart des pays du monde ont condamné les actions de la Fédération de Russie (FR), or en réalité rien ni personne ne pouvait empêcher son intention de « grignoter » petit à petit les terres ukrainiennes.

Malgré la violation des normes du droit international, depuis plus de neuf ans la péninsule reste sous l’autorité du pays terroriste. Cependant, pour ceux qui avaient suivi attentivement cette histoire, la réponse à la question « À qui appartient la Crimée ? » déjà en 2014 était unanime : « La Crimée c’est l’Ukraine ». Alors dans cet article nous rappelons comment la Russie, bien avant d’introduire ses troupes sur la péninsule, déformait l’histoire pour que le monde entier commence à douter du passé ukrainien de la Crimée.

Les conditions préalables à l’occupation

La Russie a introduit dans l’histoire de la Crimée un certain nombre de mythes et de manipulations. Il s’agissait soi-disant d’un territoire historiquement russe qui s’est détaché de l’Ukraine de façon tout à fait pacifique après la Révolution de la dignité que la propagande russe qualifiait de coup d’État. En réalité, la Crimée n’est pas un territoire russe. Ce sont les terres appartenant aux tatars de Crimée qui n’ont rien en commun avec les Russes si ce n’est les invasions, les guerres, les déportations et le déclin économique subis.

La Crimée est devenue la partie administrative de la République sovétique socialiste d’Ukraine (RSSU) en 1954 à l’époque de l’Union soviétique. Ce n’était pas « un cadeau » fait à la RSS d’Ukraine, mais une région subventionnée qui nécessitait la résolution de problèmes liés aux infrastructures. Ainsi dans les années 1960 a été inauguré le Canal de Crimée du Nord qui couvrait près de 85% des besoins en eau potable de la péninsule en l’acheminant depuis l’Ukraine continentale. Cette même division territoriale était en vigueur lorsque l’Ukraine est devenue un état indépendant en 1991 après la chute de la « prison des peuples ».

La Crimée a donc des liens territoriaux avec l’Ukraine et dépend de ses ressources. De plus, c’est justement durant la période de l’indépendance de l’Ukraine que les conditions de vie des Tatars de Crimée commencent enfin à s’améliorer. Cependant très vite après la chute de l’URSS, la Russie fait des tentatives de récupération de la péninsule de Crimée. Le 21 mai 1992, l’Assemblée fédérale de la Russie a déclaré illégitime la décision de rattachement de la Crimée car prise soi-disant en violation des normes juridiques de l’URSS. Depuis, la Russie continue à entreprendre des tentatives de récupérer la Crimée.

La pomme de la discorde entre la Russie et l’Ukraine après la chute de l’URSS a été la question de division de la Flotte de la Mer Noire. Ce processus qui a eu lieu dans la première moitié des années 1990 a été appelé la Crise de Crimée et s’est terminé au détriment de l’Ukraine : au final la Russie a récupéré près de 80% des navires dont la plupart ont quitté l’espace maritime de la Mer Noire pour rejoindre d’autres flottes de la Russie. Selon un accord intergouvernemental concernant le statut et les conditions de présence de la Flotte de la Mer Noire de la Russie sur le territoire ukrainien (1997), celle-ci a pu stationner à Sébastopol jusqu’en 2017. Toutefois en 2010 le président pro-russe Viktor Ianoukovitch, – qui s’est enfui après la Révolution de la dignité -, et le président de la Fédération de Russie Dmitri Medvedev, qui était de facto la marionnette de Poutine, ont signé un nouvel accord qui prolongeait la durée de présence de la Flotte de la Mer Noire de la Russie jusqu’en 2042. D’une façon ou d’une autre, pendant les décennies qui ont suivi la chute de l’URSS, la Crimée abritait simultanément les navires et les unités militaires de deux États. Plus tard, les services secrets ukrainiens ont reconnu que la Flotte russe pouvait à tout moment lancer une attaque contre l’Ukraine.

Aujourd’hui, certains disent que le conflit qui a éclaté autour de l’île ukrainienne de Touzla en 2003, n’était rien d’autre que la répétition pour les Russes des événements de 2014. Cette petite île est située dans le détroit de Kertch qui sépare la Crimée de la péninsule de Taman appartenant à la Russie. Les Russes ont commencé à construire un barrage en direction de la péninsule ukrainienne afin de la relier avec la côte russe. Finalement, les travaux ont été arrêtés et l’incident ne s’est pas transformé en conflit armé, pourtant certains considèrent que de cette façon la Russie a testé la réaction de l’Ukraine et du monde entier à la tentative d’occupation des territoires de l’Ukraine souveraine.

Selon les témoignages des militaires ukrainiens, la Russie a commencé la phase active des préparatifs en vue de l’occupation de la Crimée, comme par exemple le stockage du carburant, en automne 2013. Pendant ce temps, des événements médiatiques importants ont permis de détourner le regard de la communauté mondiale des projets et des actes insidieux de la Russie. Par exemple, durant les Jeux olympiques de Sotchi (7-23 février 2014) les autorités russes ont transféré des équipements et le personnel militaires (non seulement de la Flotte de la Mer Noire) vers les frontières avec l’Ukraine, justifiant ces mouvements de rotations nécessaires pour soi-disant assurer la sécurité des compétitions. Par la suite, ces unités militaires ont été transférées en Crimée.

Le début de l’occupation de la Crimée

Le 20 février 2014 sur le territoire de la Crimée sont apparus des militaires sans aucun signe distinctif sur leur uniforme. Ils parlaient russe. Les Ukrainiens les appellent « des bonhommes verts » à cause de la couleur de leur uniforme. Poutine a d’abord annoncé, lors d’une conférence de presse le 4 mars, qu’il s’agissait de « forces locales d’autodéfense » avec lesquelles la Russie, bien évidemment, n’avait aucun lien. Par la suite, cette rhétorique a progressivement changé et Poutine a reconnu que c’étaient des forces armées russes. Pourtant depuis le premier jour de l’invasion, il y a eu des témoignages confirmant que les militaires russes se sont introduits sur le territoire de la Crimée ukrainienne. Les journalistes d’investigation ukrainiens ont eux aussi clairement identifié les différentes unités des forces armées russes qui ont pris part à l’occupation de la Crimée. Ceci a été confirmé par les militaires ukrainiens. Il arrivait parfois que nos défenseurs connaissaient les occupants car ils avaient suivi des formations sur les polygones voisins.

« Les bonhommes verts » qui étaient en réalité des militaires russes armés prenaient d’assaut les postes frontaliers ukrainiens et bloquaient les unités militaires. Pour ce faire, ils avaient recours à la tactique du bouclier humain, interdite par le code de la guerre et qui consistait à utiliser la population civile, ce qui empêchait les militaires ukrainiens de défendre leurs positions.

Il est important de rappeler que le jour même où les militaires russes se sont brutalement introduits sur le territoire de la Crimée, Kyiv était l’épicentre d’une violente répression de mouvement de protestation qui durait depuis le 30 novembre 2013 et est entré dans l’histoire sous le nom de la Révolution de la dignité. Ce jour-là, le 20 février 2014, 48 personnes ont été tuées parmi les Ukrainiens qui étaient venus défendre les valeurs démocratiques et le vecteur européen du développement de leur pays (en tout, le nombre de victimes péries lors de la Révolution s’élève à 107 personnes que l’on appelle depuis la Centurie céleste). Durant les jours qui ont suivi, les Ukrainiens faisaient leurs adieux aux héros tués et parallèlement un nouveau gouvernement et l’appareil administratif étaient sur le point de se constituer. La Russie «fraternelle» a profité de ce cataclysme politique à l’intérieur de l’Ukraine pour commencer son opération spéciale par la tentative d’annexion de la Crimée.

Photo: Maxime Balandyukh

Dans les grandes villes de la péninsule avaient lieu les meetings pro-russes, dont les participants étaient surtout des sbires de la Russie, des collabos et de simples habitants de la péninsule enivrés par la propagande ou bien ceux qui étaient forcés d’y participer. Le 23 février à Sébastopol les manifestants ont même réussi à obtenir la démission du maire de la ville et ont «élu» un nouveau maire, Oleksiy Tchalyi, citoyen de la Russie qui menait une activité séparatiste bien avant 2014.

La Russie continuait à transférer en Crimée ses forces armées. Selon les données des services de renseignements ukrainiens, la Russie acheminait par les navires de guerre ses soldats et ses équipements militaires ; par l’aviation militaire vers l’aéroport international d’Anapa, et de là les militaires russes rejoignaient la péninsule par la mer en traversant le détroit de Kertch en ferry, ou bien vers les aérodromes de la Flotte de la Mer Noire en Crimée. Aux environs de Sébastopol le 24 février on pouvait apercevoir des véhicules blindés qui barraient l’entrée et de manière générale dans toutes les villes il y avait de plus en plus de militaires russes. Toutefois c’est bien la ville de Sébastopol en tant que base de la Flotte de la Mer Noire qui est devenue le point de départ de l’occupation.

Le 26 février a eu lieu une manifestation pacifique à Simferopol, capitale de la Crimée. Selon les différentes estimations, entre 5 000 et 10 000 habitants de la Crimée de toutes nationalités se sont réunis contre les séparatistes pro-russes. Ils ont exprimé leur soutien aux autorités ukrainiennes et se sont dit prêts à opposer une résistance aux occupants en cas de besoin. Leurs adversaires étaient les représentants du parti « L’unité russe » qui étaient intéressés par l’annexion de la Crimée à la Russie.

« L’unité russe »
Un parti politique pro-russe qui a existé de 2008 à 2014. Aujourd’hui interdit en Ukraine par une décision du Tribunal administratif de district à Kyiv.

Les manifestants ukrainiens ont été soutenus par les députés du Parlement de la Crimée tandis que les séparatistes pro-russes ont rejoint les citoyens de la Russie et les collabos pro-russes parmi la population locale. Bilan des heurts : deux morts et plusieurs dizaines de blessés.

Фото: Стас Юрченко.

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Plus tard, lors de l’occupation de la Crimée, suite à ces événements a été ouverte en Russie une affaire pénale mais les seuls accusés étaient des Tatars de Crimée.

Les premières victimes ukrainiennes et l’invasion des positions stratégiques

Dans la nuit du 27 février un groupe de reconnaissance et de sabotage des forces spéciales des troupes aéroportées de la Russie a pris de force le contrôle du bâtiment du Parlement et du Conseil des Ministres de la République autonome de la Crimée à Simferopol. Dans la matinée a eu lieu une réunion des députés, pourtant on ne sait toujours pas dans quelles conditions elle s’est déroulée et combien de députés ont été présents. Le gouvernement légitime de la péninsule est alors dissout de façon illégale et un nouveau «Premier ministre» est élu. Il s’agit d’un représentant du mouvement «L’unité russe» Serhiy Aks’onov. Le même jour, il a été décidé d’organiser le 25 mai un référendum portant sur l’extension des pouvoirs de l’autonomie.

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Фото: Getty images.

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Après l’occupation des principaux bâtiments administratifs, les militaires russes ont commencé à s’introduire dans les bâtiments administratifs de districts et patrouiller les villes. Des postes de contrôle illégaux ont commencé à apparaître dans les villes et sur les routes, surtout sur les chemins menant vers l’Ukraine métropolitaine. Vers fin février, les occupants ont bloqué les aéroports et ont commencé à acheminer des hélicoptères russes sur les aérodromes militaires. Sur les réseaux sociaux il y avait de plus en plus de preuves de présence illégale des troupes russes en Crimée : des photos et des vidéos de leurs équipements militaires dans les rues des villes ou dans les environs des villages. Certains militaires russes se vantaient de leur butin publiant des photos où ils prenaient la pose devant leurs véhicules dans les communes de la Crimée. Ce faisant, ils indiquaient les données exactes de géolocalisation, comme par exemple le village Voïnka, un point stratégique pour eux.

Le 27 février Kyiv envisageait encore la possibilité d’instauration de l’état d’urgence sur le territoire de la République autonome de Crimée. Or le 1er mars, le Conseil de la Fédération de Russie a répondu positivement à la demande de Poutine de faire intervenir les troupes de l’armée en dehors des frontières russes. Lors d’une conférence de presse qui a eu lieu le 2 mars, le président de la FR avait déclaré qu’il n’envisageait pas d’annexer la Crimée à la Russie.

Les occupants ont appelé les Ukrainiens à déposer les armes et de les rejoindre, cependant un grand nombre de militaires ukrainiens n’ont pas trahi le serment et continuaient à résister. Il a par exemple fallu trois semaines aux Russes pour prendre la base de marines ukrainienne à Feodossiia. Et pour capturer le navire de guerre ukrainien Tcherkassy, ils ont été obligés de faire intervenir les forces spéciales, les bateaux et les hélicoptères. Toutefois malgré la résistance acharnée des Ukrainiens, les Russes ont progressivement occupé les infrastructures de forces de l’ordre, des bases militaires et des bâtiments administratifs.

Le navire « Tcherkassy »
La résistance héroïque des marins ukrainiens sur le chalutier « Tcherkassy » qui a duré 20 jours est devenue un symbole de lutte des militaires de l’Ukraine contre l’occupation de la Crimée. Ces événements sont décrits dans le film du même nom du réalisateur ukrainien Tymur Yaschenko sorti en 2020. Aussi un timbre postal a été émis à la gloire du chalutier.

Par ailleurs, sur le territoire de la péninsule s’est formée une structure illégale «L’autodéfense de la Crimée», autoproclamée «La milice populaire de la Crimée», dont les membres patrouillaient les rues des villes et participaient à l’assaut des unités militaires ukrainiennes : d’abord ils faisaient irruption dans les bâtiments, et derrière, arrivaient des militaires russes armés. Aussi selon les témoignages des habitants, la communication mobile était presque inexistante car les occupants avaient bloqué le signal des opérateurs ukrainiens.

Photo: Anton Shevelyov

À noter que les actions de ces «miliciens» en Crimée ont ensuite été légalisées et réglementées dans une soi-disante loi «À propos des milices populaires». Juridiquement l’existence de ces formations est basée sur les normes de la Russie et non pas sur la législation ukrainienne en vigueur. Cela prouve encore une fois le caractère artificiel de ces formations organisées par le pays-agresseur et non pas par les Ukrainiens qui habitaient la péninsule à cette époque-là.

Photo: Anton Shevelyov

À part l’assaut et la prise des principaux bâtiments administratifs, les envahisseurs ont eu recours à la stratégie de la soft power (trad. de l’angl. «puissance douce») : ils assuraient aux habitants de la péninsule qu’ils auraient une meilleure vie si la Crimée retournait dans le giron de la Russie, proposaient aux militaires ukrainiens de les rejoindre (ce qui signifiait trahir le serment) et continuer de travailler paisiblement tout en ayant une meilleure rémunération et d’autres avantages sociaux. Beaucoup d’Ukrainiens, évoquant chacun ses raisons, ont en effet accepté les propositions des occupants, cependant il y avait aussi ceux qui résistaient jusqu’au bout. Comme par exemple, le commandant de la 10e brigade de l’aviation maritime des Forces armées de l’Ukraine, Ihor Bedzai, qui sans attendre les consignes de son commandement a réussi à évacuer des équipements d’aviation d’une grande importance stratégique pour l’Ukraine. Comme la situation en Crimée et au cœur de l’Ukraine métropolitaine était particulièrement imprévisible et instable, le militaire a décidé de ne pas attendre et d’agir conformément à la loi.

Une autre pratique typique des troupes d’occupants sur la péninsule de la Crimée c’était les menaces, les intimidations et les arrestations des activistes ukrainiens pour des affaires montées de toutes pièces. Avec une minutie toute particulière étaient vérifiées les identités des Tatars de Crimée, les habitants indigènes de la péninsule car ils étaient depuis toujours contre les autorités russes. La journaliste Nataliya Gumenyuk, qui risquant sa vie s’est rendue à plusieurs reprises en Crimée occupée entre 2014 et 2019, s’est entretenue avec de nombreux habitants de la péninsule qui ont été témoins de la débauche russe ou qui l’ont subie. En 2022 elle a publié un livre «L’île perdue», un recueil de reportages qui témoignent des crimes de la Russie perpétrés sur le territoire de la péninsule. Ces histoires ont été rapportées à la journaliste par les témoins des atrocités commises par les russes ou ses victimes.

Le 6 mars, le parlement de la Crimée sous la pression des occupants a adopté une résolution quant au soi-disant référendum, prévu le 16 mars, dont l’objet était «la réunification avec la Russie».

Le pseudoréférendum

Malgré le fait que la législation ukrainienne ne prévoit aucun référendum concernant la modification des frontières du pays, le 16 mars a eu lieu le «référendum» où les Criméens auraient décidé que la Crimée devrait faire partie de la Russie. Il faut ajouter que le 7 mars le Président de l’Ukraine par intérim a publié un décret reconnaissant le caractère anticonstitutionnel de la résolution du parlement de la Crimée au sujet de «L’organisation du référendum en Crimée» et a arrêté son action. Une semaine plus tard, le 14 mars, la même décision a été prise par la Cour constitutionnelle de l’Ukraine. Dès le lendemain, le Parlement ukrainien ordonnait la dissolution du Parlement de la Crimée.

L’organisation des «référendums» est un scénario d’invasion classique que la Russie applique sur les territoires occupés. Toutes ces opérations se déroulent sous la menace des armes ce qui contredit les finalités démocratiques et les valeurs de telles procédures. L’initiative citoyenne Crimée SOS, créée le 27 février 2014 dans le but de couvrir de façon objective ce qu’il se passait réellement sur la péninsule, a enregistré au moins cinq preuves de violation de cette procédure : le référendum a enfreint la législation ukrainienne en vigueur ; les bulletins de vote n’avaient que deux options et toutes deux étaient en faveur du retour de la Crimée dans le giron de la Russie; le présence des votants a été falsifiée et dans les bureaux de vote il y avait une atmosphère de chaos; les observateurs internationaux n’étaient pas présents; les habitants de la péninsule étaient obligés de participer au référendum sous les menaces et les intimidations. Une autre infraction majeure, avant le 16 mars, tous les médias ukrainiens indépendants ont été forcés d’arrêter leur travail.

Le 18 mars 2014 un groupe de sabotage dirigé par Igor Girkin s’est emparé du centre de cartographie à Simferopol. Les occupants ont ouvert le feu et tiré de façon chaotique sur l’unité militaire. C’est à ce moment-là qu’il y a eu les premières victimes parmi les militaires ukrainiens: un sous-officier des Forces armées de l’Ukraine, Serhiy Kokourine, est tombé sous les balles russes.

Igor Guirkine
Un militaire russe, un criminel de guerre. A participé à la guerre russe contre l’Ukraine en Crimée, à l’est du pays et durant l’invasion massive en 2022.

Quelques années plus tard, les militaires ukrainiens ont reconnu que même s’ils n’étaient pas prêts à 100% en cette fin février 2014 pour un affrontement armé avec les Russes, si un tel ordre avait été donné, ils auraient pu défendre les positions de l’Ukraine. En revanche, les commandants ukrainiens en Crimée ont reçu l’ordre d’attendre le plus longtemps possible et de ne pas commencer de confrontation.

Le 18 mars 2014, suite aux résultats du soi-disant référendum, Poutine avec les représentants des autorités d’occupation a signé un document pour entériner le retour de la Crimée au sein de la Russie. Deux jours plus tard, le Parlement de la Russie a ratifié ce document presque à l’unanimité. Le 21 mars c’était le Conseil de la Fédération qui à son tour avait ratifié le document ce qui lui permettait d’entrer immédiatement en vigueur. En 2019 l’autoproclamé Premier ministre des autorités d’occupation en Crimée Serhiy Ax’onov a avoué que Poutine en personne dirigeait les opérations d’annexion de la péninsule.

En attendant la libération

Sur toutes les tribunes internationales l’Ukraine a qualifié l’occupation de la Crimée de crime de la Russie. Les pays de l’Union européenne, le Royaume-Uni et les États-Unis n’ont pas reconnu la Crimée en tant que territoire russe et ont imposé des sanctions à l’encontre du pays-agresseur. L’Ukraine a également mis fin à la collaboration avec plusieurs entreprises russes. Depuis plus de 9 ans, les représentants du gouvernement, les organisations communautaires et les activistes travaillent pour le retour de la Crimée et la fin des hostilités armées dans l’est du pays. Malgré les pourparlers avec la Russie, les discours à l’ONU et les entretiens avec les pays occidentaux concernant la pression politique et économique sur la Russie, les tentatives d’influencer le pays-agresseurs ont jusque-là échoué.

La péninsule temporairement occupée est devenue le lieu où la violation des droits de l’Homme est systématique : des arrestations massives, des fouilles de domiciles des activistes anti-régime poutinien, des poursuites, des emprisonnements et des exils des innocents, le tout sous le prétexte de lutte anti-terroriste. Des hommes sont également mobilisés pour participer à la guerre totale que la Russie a commencé en février 2022 ce qui les force à quitter la péninsule pour ne pas combattre contre leurs concitoyens.

Oleg Sentsov, réalisateur né en Crimée et ancien prisonnier politique du Kremlin (2014-2019), s’exprimant au sujet de l’occupation de la péninsule affirme que les autorités russes comptaient sur une prise rapide et sans perte de la Crimée. Il y avait quelques conditions préalables pour que leur plan se réalise : la question linguistique car la majorité des habitants de la péninsule communiquaient en russe et avaient une préférence pour les médias russes; une certaine passivité des habitants quant à la vie politique de l’Ukraine; une grande efficacité et l’influence de la propagande russe. Il est évident que ces conditions résultent des manquements de la classe politique ukrainienne à cette époque-là car celle-ci n’accordait pas assez d’attention au développement social et culturel de la Crimée avant tout parce qu’elle ne considérait pas la Russie comme un agresseur et un ennemi potentiel. Cependant la majorité des habitants de la Crimée (ukraino- et russophones) voyaient la Crimée comme une république autonome faisant partie de l’Ukraine.

Selon le réalisateur, après l’occupation définitive de la Crimée, à savoir après le 18 mars 2014, toutes réunions pacifistes en soutien au vecteur pro-ukrainien du développement de la péninsule sont devenues encore plus dangereuses qu’avant ces événements. Les « opposants» étaient tout simplement liquidés : certains disparaissaient à tout jamais, d’autres étaient retrouvés assassinés. Pendant ce temps, tous ceux qui approuvaient le retour de la Crimée au sein de la Russie et ceux qui ont passivement accepté la situation, étaient déçus car les promesses de «meilleure vie» lancées dans les médias par le pays-envahisseur n’ont jamais été satisfaites. Et même après plus de 9 ans d’occupation la Crimée n’est pas devenue cet oasis russe où ces habitants pourraient s’accomplir. Par conséquent, à l’heure actuelle, le développement politique de la société sur la péninsule est comme anesthésié : le peu de personnes sensées ne soutiennent plus (ou continuent de ne pas soutenir) la Russie, toutefois exprimer son opposition au pouvoir est trop risqué pour que se forme une communauté pro-ukrainienne active. Pendant ce temps, beaucoup de Russes viennent en Crimée, instaurent leurs lois et ainsi poursuivent l’expansion culturelle.

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Durant la période de l’occupation, la Crimée qui était jusque-là une région avec un grand potentiel économique et touristique s’est transformée en base militaire de la Russie. Y sont stockés des équipements militaires activement utilisés dans la guerre totale contre l’Ukraine. C’est là que se déroulent également des entraînements militaires. Les autorités d’occupation contrôlent et identifient tous ceux qui expriment un désaccord avec la politique russe, elles exploitent de façon irréfléchie toutes les ressources accessibles de la Crimée pour satisfaire leurs besoins et ambitions d’envahisseurs. Les grandes déclarations des propagandistes russes promettant une “vie meilleure” sur la péninsule, lorsque leurs militaires “auraient rétabli la justice historique” et auraient rendu ces terres à la Fédération de Russie, se sont avérées complètement mensongères. L’histoire démontre qu’aucun territoire où le fameux “monde russe” s’est imposé, n’est devenu prospère, mais bien au contraire, a connu un déclin. Par conséquent, puisque les occupants n’envisagent pas de quitter la péninsule, les Forces armées de l’Ukraine font tout leur possible pour tôt ou tard libérer la Crimée.

Expertise : Représentant du Président de l’Ukraine dans la République autonome de la Crimée.

Le dossier est préparé par

L'auteur du Ukraїner:

Bogdan Logvynenko

Auteure:

Natalia Ponedilok

Ania Yablutchna

Іvanna Krukovs’ka

Éditeur photo:

Yurij Stefaniak

Responsable de contenu:

Yana Rusina

Traductrice:

Al’ona Okhrimenko

Rédacteur de traduction:

Nassim Talbi

Coordinatrice:

Olga Gavrylyuk

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