Source : Fondation de la bibliothèque du village de Rivne, district de Luboml, région de Volynie.

Holéndry de la rive gauche du Boug. Qui sont-ils ?

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De la fin du XVIIIe au milieu du XXe siècle, des colonies habitées par un groupe ethnique, peu connu aujourd’hui, se sont développées en Volynie, à l’ouest de l’Ukraine, – les Holéndry de la rive gauche du Boug. Ils ont créé leur propre environnement, culturellement différent des villages ukrainiens environnants. Dans ce long read, nous vous dirons qui sont ces Holéndry, d’où viennent-ils et quelle authenticité ont-ils apporté sur le territoire ukrainien. C’est notamment ce que nous a raconté une descendante des Holéndry, qui a aimablement accepté de partager l’histoire de sa famille.

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L'auteur de cet article a collecté les souvenirs des Holéndry de la rive gauche du Boug, notamment sur des sites Web russes, mais ne donne délibérément pas de liens vers ceux-ci, afin de ne pas populariser les médias des occupants.

Les Holéndry vivent sur les terres ukrainiennes depuis la fin du XVIIIe siècle. Ils étaient appelés Zabouzki, ou parfois simplement Bouzki, parce qu’ils se sont installés le long du fleuve Zahidny Bug (Boug de l’Ouest ou Boug), et Holéndry – du polonais holender, qui signifie Hollandais (Néerlandais). Ils ont aménagé leurs habitations à l’ouest de la Volynie, dans la campagne, où il y avait déjà de nombreux groupes ethniques différents dans la zone frontalière. Le premier village — Skernevsky Holéndry — est apparu en 1787 sur le territoire proche de l’actuel village de Starovoytove. Les Holéndry fondèrent de nombreuses colonies, dont beaucoup, après avoir été transformées, existent encore : Zamostichi (aujourd’hui le village de Rivne), Olechkovitchi, Novy Dvir (aujourd’hui le village de Kupychiv), Polyana (aujourd’hui le village d’Oleksandrivka), Yaniv et Karolinka (disparus). Mais la plus grande était le village de Zabuzki Holendry (aujourd’hui le village de Zabuzhja).

Dans les recensements de population polonais et russes, les Holéndry étaient répertoriés comme Allemands, il est donc difficile d’établir leur nombre exact sur le territoire de Volynie. Pourquoi ont-ils été identifiés de cette façon ? Apparemment parce qu’ils parlaient allemand et avaient la même religion. De plus, la volonté d’unifier la population a toujours été une caractéristique des empires.

Histoire ambiguë de l’origine des Holéndry

Il existe deux versions courantes de l’origine des Holéndry, mais aucune d’entre elles n’est actuellement confirmée. Chercheur allemand de l’histoire de ce peuple, Eduard Butow, l’un des initiateurs de la création de l’Association des Holéndry en Allemagne, affirme que les Holéndry sont les descendants des Hollandais. Selon sa version, au début du XVIIe siècle, ils se sont installés sur les rives du Boug et ont fondé des villages sur la frontière actuelle de la Pologne et de la Biélorussie, et au XVIIIe siècle, leurs descendants ont peuplé les territoires actuels de l’Ukraine.

En même temps, l’historien allemand Helmut Holz nie le lien de ce groupe ethnique avec les Pays-Bas, car, comme il le prétend, ils n’utilisaient pas la langue, les coutumes, les costumes nationaux caractéristiques des Hollandais et pratiquait même une religion différente. Selon lui, les Holéndry venaient de Prusse, puisque la plupart de leurs livres de prières y étaient publiés.

Prusse
État monarchique allemand formé du duché de Prusse et le margraviat de Brandebourg. Il a existé de 1701 à 1918 et a façonné l’histoire de l’Allemagne moderne.

Avant le début de la Seconde Guerre mondiale, les Holéndry eux-mêmes ne savaient pas clairement d’où ils venaient. Karl Ludwig, l’un des représentants de ces migrants, a dit : “Nos ancêtres ne correspondaient ni aux Polonais, ni aux Allemands”.

Valentyna Chvalikovska, une descendante des Holéndry, qui vit actuellement à Luboml en Polésie, se souvient dans une conversation avec nous :
— J’avais l’habitude de demander à mes proches : « Votre nom de famille est Ludwig, donc d’où veniez-vous ?». Apparemment, ils craignaient toujours le dire. J’ai ressenti une tension chez eux. Une fois la sœur de mon grand-père m’a montré de très vieilles photos. Vous savez, le sol était en planches de bois et il y avait un petit trou là-dedans. Elle m’a dit : “Nous avons gardé les photos ici parce que nous avions peur qu’ils découvrent notre existence là-bas et en plus, nous avions peur d’être déportés vers la Sibérie.” Il y avait sept enfants dans la famille de mon arrière-grand-père. Il avait très peur pour eux.

Religion, éducation et vie culturelle

Au début, les Holéndry communiquaient en allemand, mais sous l’influence des Slaves, avec lesquels ils vivaient côte à côte, ils passèrent à un mélange d’ukrainien et de biélorusse et à l’Église, ils utilisaient la langue polonaise

Source : Fondation de la bibliothèque du village de Rivne, district de Luboml, région de Volynie.

La religion jouait un rôle important dans la vie des migrants, notamment dans leur auto-identification. Les Holéndry professaient le luthéranisme. Au XIXe siècle, ils appartenaient à la paroisse luthérienne d’Augsbourg. Habituellement, le service dominical avait lieu dans des maisons de prière. L’une de ces maisons a été préservée dans le village d’Olechkovitchi, bien que l’ancien bâtiment en bois ait été reconstruit en pierre en 1933 et appartient désormais aux chrétiens évangéliques baptistes (CEB). Valentyna Chvalikovska a également raconté que son grand-père Mykola Ludwig fréquentait la kirkha :
– Ce n’était pas loin, à Rivne, et il y allait toujours, parce telle était sa foi.

Kirkha
De l’allemand Kirche, est l'équivalent allemand du mot « église ». Dans d’autres langues, notamment en ukrainien, il est utilisé pour désigner des édifices religieux spécifiquement luthériens.

S’il n’y avait pas d’église dans le village, ils se rassemblaient simplement chez quelqu’un. Lors des grandes fêtes, les Holéndry visitaient le temple principal de la ville de Domatcheve (territoire de la Biélorussie actuelle)

Puisque le luthéranisme oblige ses croyants à pouvoir lire indépendamment les textes sacrés, des écoles de confirmation fonctionnaient dans les villages, où on enseignait également les dogmes de base. Ces établissements étaient directement financés par chaque communauté.

Confirmation
Dans le rite de l'Église catholique, le sacrement de l'onction des enfants âgés de 7 à 12 ans ; dans les églises protestantes, il s'agit d'un rite de confession de foi consciente, d'adhésion à l'église des adolescents âgés de 14 à 16 ans.

Église évangélique luthérienne d'Olechkovitchi (aujourd'hui l'église de la communauté locale de l'Église CEB du village d'Olechkovitchi, district de Rozhyshchen, région de Volynie). Source : Musée virtuel des Allemands de Volynie.

La première école a été ouverte en 1797 à Skernevsky Holéndry, le village n’existant plus. 14 garçons et 8 filles y ont étudié. Ils ont étudié la lecture, l’écriture, les bases du calcul et du chant religieux, dans certains cas, les bases de la géographie, du dessin et de l’ethnologie. Après l’avoir terminé, les élèves passaient l’examen, qui constituait une admission à la cérémonie de confirmation. Il est intéressant qu’alors la lecture et l’écriture devaient être enseignées en russe ainsi qu’en allemand, mais cette exigence était presque toujours ignorée. Depuis 1887, par arrêté du Sénat de l’Empire russe, toutes les écoles non religieuses, ainsi que leurs biens, étaient subordonnées au ministère de l’Instruction publique, chargé de leur réorganisation et de leur russification.

Cérémonie de confirmation dans le village de Zabuzki Holéndry, années 1930 du 20e siècle. Source : Musée des traditions locales de Luboml.

Pendant longtemps, la religion a également influencé la vie familiale, de sorte que les mariages étaient conclus exclusivement entre personnes partageant la même foi. À propos, les traditions de la cérémonie de mariage ont encore été préservées chez les Holéndry, qui se sont installés en Sibérie volontairement (en raison du manque de terres propices à l’agriculture) ou de force (à cause de la Seconde Guerre mondiale).

Les fiançailles avaient lieu dans la maison de la mariée, où se réunissaient ses amies, les camarades du marié et les proches des mariés, qui utilisaient un houripnik – un fouet fait d’une patte de chèvre auquel étaient attachés de nombreux rubans de satin – comme attribut du chef de famille. Le deuxième jour, la célébration comme telle avait lieu. Il est intéressant de noter que les Holéndry, comme les Ukrainiens, servaient des grosses miches de pain sur la table (il s’agit probablement de produits de forme allongée, fabriqués à partir de la même pâte et semblables aux pâtisseries de cérémonie ukrainiennes – les cornets de mariage). Parmi les principaux rites, on peut citer la danse des mariés et le « clouage » du bonnet, qui symbolisent l’adieu à la jeunesse. Le nouage du bonnet sur la tête de la mariée était accompagné d’une chanson folklorique dont le son est très proche de la langue ukrainienne. Après la célébration, la jeune fille reste chez le marié et, une semaine plus tard, ses parents organisent la cérémonie finale – « petrusyny ».

Gouripnik

L’habitation était en fait un complexe composé d’une cour et d’une maison faite de planches de bois reliées par de l’argile. Valentina souligne que les Holéndry vivaient plutôt bien pour leur époque :

Comment les Holéndry géraient leurs fermes ?

Les Holéndry géraient leurs fermes pour la plupart de manière indépendante, sans l’aide de travailleurs salariés. Ils étaient engagés dans l’agriculture, la production laitière, l’artisanat, le commerce, etc. Valentina Chvalikovska nous a raconté à quel point ils étaient travailleurs et compétents :
– Le père de mon grand-père était très doué pour s’occuper du bétail, c’est-à-dire qu’il était si méticuleux qu’on retrouvait sa méticulosité en tout. De même pour la sœur de mon grand-père : leurs rideaux, leurs bancs, le sol, eh bien, on voyait partout leur méticulosité, et c’était caractéristique de la famille de mon grand-père.

Source : Fondation de la bibliothèque du village de Rivne, district de Luboml, région de Volynie.

Les Holéndry disposaient en moyenne de 7 à 9 «déciatines» de terres allouées par l’État, soit environ 7,6 à 10 hectares par famille, qui se trouvaient dans un lot à côté de la ferme. C’était un avantage, car les paysans ukrainiens possédaient des parcelles principalement à différents endroits. Pour cette raison, les autorités locales appelaient souvent les Holéndry « les fermiers ». Ils cultivaient de l’orge, du seigle, de l’avoine, du millet, des pommes de terre et des haricots. Parmi les animaux, les chevaux, les cochons, les vaches, les moutons et les volailles étaient populaires. Parfois, des chèvres étaient élevées. Dans les villages, les Holéndry possédaient souvent de grands jardins et cultivaient des fleurs.

Source : Fondation de la bibliothèque du village de Rivne, district de Luboml, région de Volynie.

L’habitation était en fait un complexe composé d’une cour et d’une maison faite de planches de bois reliées par de l’argile. Valentina souligne que les Holéndry vivaient plutôt bien pour leur époque :

– Au début, il y avait un rucher dans le hameau, puis ils ont construit une maison dans le village, mais une maison solide et recouverte de tôle.

En règle générale, les fermes des Holéndry au bord de l’eau avaient leur propre petit embarcadère et plusieurs barques en bois. Les maisons étaient visiblement allongées, comprenant des habitations, des granges, une étable, une aire de battage et un grenier à foin. Ces parties étaient reliées entre elles par des passages internes et disposaient chacune d’une sortie séparée vers la cour. Les murs extérieurs des immeubles résidentiels étaient blanchis à la chaux. 

Après le début de la réforme Stolypine (1906-1914), censée résoudre le problème de la surpopulation agricole en Volynie grâce à la réinstallation de ses habitants dans des régions sous-peuplées de l’Empire russe et à la redistribution des terres, certains Holéndry décidèrent partir pour la Sibérie. Aujourd’hui, leurs descendants sont connus sous le nom des Holéndry de Pikhtinsk (d’après le nom du village de Pikhtinsk, fondée par les migrants de la colonie de Zamostychi en Volynie).

Surpopulation agricole
La présence d'un chômage important parmi la population employée dans le domaine agricole, ce qui conduit à l'impossibilité d'assurer le niveau minimum de prospérité nécessaire.

Elena Ludwig, une des descendantes des Holéndry en Sibérie, parle de la décoration intérieure de la maison (traduction du russe par l’auteur) :

– On blanchit aussi l’intérieur, on ajoute juste du bleu. On dit que nous seuls faisons cela. Il nous semble que c’est beau, nous utilisons toujours du bleu pour blanchir.

La Maison-Musée de Holéndr Himborg (1912). Sibérie.

Pendant la Première Guerre mondiale, les colonies des Holéndry furent ruinées. Après son achèvement, les prix des produits agricoles ont considérablement diminué, de sorte que les colons ont commencé à élever du bétail afin d’améliorer d’une manière ou d’une autre leur situation financière.

Le Troisième Reich ou l’URSS : un choix identitaire forcé

En 1939, parallèlement au pacte Molotov-Ribbentrop, fut signé le « Protocole de confiance », qui incluait notamment les Holéndry. Les autorités du Troisième Reich les considéraient comme faisant partie du peuple allemand, c’est pourquoi, afin d’empêcher l’assimilation naturelle avec les Slaves, elles organisèrent leur retour sur le territoire contrôlé.

Pacte Molotov-Ribbentrop
Accord (23 août 1939) entre le Troisième Reich et l'URSS sur la non-agression et la répartition de l'influence en Europe de l'Est, notamment la neutralité de l'URSS dans les relations germano-polonaises. Le résultat fut une attaque contre la Pologne.

Une campagne active a commencé en Volynie avec l’aide de tracts, de brochures et d’articles dans les journaux. Les Allemands ont également distribué des affiches avec des slogans reflétant l’idéologie de l’Allemagne nazie sous la direction de Hitler : « Un peuple, un Reich, un Führer ! ( en allemand “Ein Volk, ein Reich, ein Führer!” ). Les autorités allemandes ont tenté d’utiliser les émotions patriotiques à leurs propres fins. Les gros titres criaient : « Rentrez chez vous, la Patrie vous attend et se souvient de vous ! » “L’Allemagne vous appelle !”, ” Travaillant en Allemagne, tu défends ta Patrie !” etc.

Affiche allemande "Travaillant en Allemagne, tu défends ta Patrie !" .

En janvier 1940, les Holéndry durent choisir entre le Troisième Reich et l’Union soviétique. Cet épisode est resté dans la mémoire de Bronislav Ludwig :

— Les Allemands sont venus et les Russes sont venus. Le Boug est devenu une frontière : les Russes par ici, les Allemands par là. Septembre, octobre, novembre – et la guerre prit fin. En décembre, on dit : on déplace les Allemands. On a dit que sur ces 500 mètres tout le monde devrait partir, seule la patrouille devrait marcher ici.

Même si les Holéndry ne se considéraient pas comme des Allemands, la majorité d’entre eux durent néanmoins partir pour l’Allemagne. Ce choix forcé est dû au fait qu’en 1921, selon le traité de paix de Riga, la partie occidentale de la province de Volynie, où ils vivaient, a été transférée à la République de Pologne, il leur serait donc plus difficile de s’adapter aux réalités russes.

Paix de Riga
Traité entre la Pologne et la RSFSR, qui a mis fin à la guerre polono-soviétique de 1919-1920 et établi le partage des terres ukrainiennes et biélorusses.

Les enfants et les personnes âgées se rendaient en Allemagne dans des trains et les hommes avec les charrettes, car il fallait transporter les biens. En février 1940, 2 280 Holéndry s’étaient déplacés en Allemagne. On leur promettait des postes élevés, des salaires plus élevés et une meilleure nourriture. Ils ont reçu la nationalité du Troisième Reich, qui leur accordait légalement tous ces droits, mais les habitants de l’Allemagne ne considéraient pas les Holéndry comme leurs égaux. On les appelait avec mépris les Polonais, car la plupart d’entre eux ne connaissaient pas la langue allemande et communiquaient en polonais.
Ceux qui refusèrent de déménager furent bientôt confrontés à un sort bien pire. Sur le territoire de l’URSS, les Allemands (et rappelons que les Holéndry leur étaient associés et considérés comme tels) ont commencé à être considérés comme des partisans du Troisième Reich. Ainsi, dès le début de la guerre, un télégramme du commandement du front sud soulignait que les Allemands étaient des « éléments peu fiables ». Après cela, les Holéndry ont progressivement commencé à être envoyés dans des camps sibériens.

Oulian Ludwig, l’arrière-grand-père de Valentina Chvalikovska et l’un des rares Holéndry de cette région, a réussi à rester en Volynie :

— L’histoire a été étouffée dans ma famille parce que, vivant en Union soviétique, lorsque la Seconde Guerre mondiale a commencé, on avait très peur, car à cette époque, il y avait une expulsion massive vers la Sibérie. On disait que mon arrière-grand-père allait également être expulsé. D’une manière ou d’une autre, il a miraculeusement échappé à ce déplacement, mais son fils aîné a disparu.

La Maison-musée de Holéndr Himborg (1912). Sibérie.

Les Polonais ont été expulsés parce que cette zone était adjacente à l’autoroute sur laquelle se déplaçait l’armée allemande. Les Holéndry étaient censés fournir de la nourriture aux soldats. En outre, les dirigeants du Troisième Reich, qui considéraient la nation allemande comme unique et supérieure à toutes les autres, estimaient que renoncer à sa patrie pour son bien était le devoir direct des Polonais. Ainsi, les nouvelles colonies des Holéndry sont devenues militarisées.

Quoi qu’il en soit, les Holéndry sont devenus des étrangers parmi « les leurs ». Ainsi, la guerre a divisé une nation entre différents territoires et peuples. Un dicton répandu lors de la colonisation allemande du XVIIIe siècle décrit bien la situation : « Le premier a trouvé la mort, le deuxième a trouvé le besoin et seul le troisième a trouvé du pain ».

Le sort d’après-guerre des Holéndry

Après la Seconde Guerre mondiale, les Holéndry de la rive gauche du Boug, installés en Pologne, ont dû fuir vers l’Allemagne dans des circonstances chaotiques, à cause de l’arrivée de l’armée de « libération » soviétique. Pour certaines familles, la dernière destination était la ville de Linstow, où se trouve aujourd’hui le Musée des immigrants de Volynie. Sur son terrain se trouve une cabane restaurée de 1947, qui appartenait à l’un des premiers Holéndry qui ont dû chercher refuge dans ces régions.

Musée des immigrants de Volynie, Linstow, Allemagne.

En Volynie, seuls quelques représentants de cette communauté ethnique sont restés des villages des Holéndry, qui se sont naturellement assimilées à la suite de mariages mixtes avec des Ukrainiens.
Depuis l’indépendance de l’Ukraine, les Holéndry, qui devaient auparavant se rendre à l’étranger, principalement en Allemagne, ont eu la possibilité de retourner dans leur pays natal ou de le visiter (sous l’URSS, de tels voyages étaient interdits). Svitlana Klekotsyuk – la directrice du lycée du village de Zabuzhja – a raconté les souvenirs des représentants du peuple en émigration :
– Une fois, une femme avec son petit-fils nous est venue d’Allemagne. Elle est née ici à Zabuzki Holendry, elle avait 83 ans. Elle a raconté qu’à l’époque de l’URSS, ils venaient sur le territoire de la Pologne et se rendaient au Boug pour voir de loin le terrain où se trouvaient leur jardin, leur maison et leur champ.
Eduard Butow, originaire de la colonie Zamostichi en Volynie, dans son rapport sur son voyage en Ukraine en 1998, a noté :
— Il y a 58 ans, nos maisons et celles de notre grand-père se trouvaient exactement sur cette rue, désormais il y a une prairie. Il y avait aussi des écuries partiellement effondrées et plusieurs machines agricoles rouillées de l’ancienne ferme collective.

Malgré le fait que les villages des Holéndry n’existent plus, les autorités locales tentent de préserver au moins d’une manière ou d’une autre la mémoire des personnes qui ont vécu aux côtés des Ukrainiens pendant des siècles. Alors dans les villages de Zabuzhja, Rivne, Zabuzki Holendry et Zamostichi, ont été installés en 2017 des monuments commémoratifs pour le 500e anniversaire de la Réforme et le 400e anniversaire de l’installation des premières colonies des Holéndry au Boug. Il s’agit de dalles sur lesquelles sont gravés les noms des familles des Holéndry qui vivaient dans les villages en 1940. Après la cérémonie d’ouverture de ces monuments, des expositions thématiques ont également été organisées dans les musées ethnographiques. Il est intéressant de noter que les monuments ont été consacrés conjointement par le recteur orthodoxe et le pasteur de l’Église évangélique luthérienne. Cela peut être considéré comme la preuve que deux religions et cultures étaient organiquement liées dans une même région.

Réforme
Mouvement sociopolitique et idéologique en Europe occidentale et centrale du XVIe siècle, qui a pris la forme d'une lutte religieuse contre le dogme catholiques et l'Église.

Mémorial au Musée des immigrants de Volynie, Linstow, Allemagne.

En outre, une croix avec une plaque commémorative a été érigée sur le site de l’ancien cimetière luthérien à la périphérie du village Zabuzhja. Malheureusement, il ne reste que les restes des fondations de l’église « kirkha » et quelques pierres tombales du cimetière lui-même. Le cimetière du village d’Olechkovitchi est dans un état légèrement meilleur – quelques pierres tombales relativement intactes subsistent. De plus en 2001 est installé un monument avec les noms des colons.

Monument au cimetière luthérien d'Olechkovytchy. Source : Musée virtuel des Allemands de Volynie.

Les Holéndry, venus de Sibérie, se souviennent encore de la langue et des chants ukrainiens. En 2017 les locaux qui leur ont parlé disaient :

– Mais ils parlent comme nous ! Oui, ce sont les nôtres, d’au-delà du Boug !

Lors de la visite de la rive gauche du Boug, la délégation a entendu pour la première fois « l’Hymne des Holéndry de Boug » interprété par les écoliers locaux. Le texte a été écrit par Oleksandr Michtchouk, un germaniste de Loutsk et traducteur professionnel de la langue allemande ; la musique était interprétée sur la mélodie de la chanson folklorique ukrainienne « Détachez les chevaux, les garçons ».
Le “Musée virtuel des Allemands de Volynie” est mis en œuvre en 2020 avec le soutien financier de la Fondation culturelle ukrainienne et du Ministère fédéral de l’Intérieur, de la Construction et du Développement territorial intégré d’Allemagne. Il s’agit d’un projet visant à numériser les monuments du patrimoine matériel et spirituel des Allemands et des Holéndry en Volynie. C’est également dans le cadre de l’initiative qu’a été créé un itinéraire pour visiter les lieux historiques clés de ces peuples.

Pendant près d’un siècle et demi de vie en Volynie, les Holéndry ont réussi à créer un contexte culturel et social authentique. La présence de ces immigrants a diversifié les traditions de la région et a bien sûr contribué à l’établissement de relations entre les différents peuples.

Tout cela prouve une fois de plus que l’Ukraine est un pays multinational, avec certain nombre de communautés nationales et de peuples autochtones qui peuvent vivre côte à côte en harmonie. Malheureusement, beaucoup d’entre eux ont souffert des répressions russes, des déportations et des politiques de russification. C’est pourquoi il est si important de rechercher et de documenter leur patrimoine, car la restauration et la préservation de cette mémoire sont ce qui donne du terrain, contrecarre les mensonges et les manipulations de l’ennemi et renforce l’aspiration pour un avenir libre.

Le dossier est préparé par

Fondateur d'Ukraїner:

Bogdan Logvynenko

Auteure:

Tatiana Savtchenko

Rédactrice en chef:

Ania Yablutchna

Rédactrice:

Tanya Myronishena

Éditeur photo:

Yourii Stefanyak

Responsable de contenu:

Leila Ahmedova

Traductrice:

Tetyana Zharko

Coordinatrice de la traduction:

Olga Gavrylyuk

Coordinatrice d'Ukraïner International:

Yulia Kozyryatska

Rédactrice en chef de l’Ukraїner International:

Anastasia Marushevska

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