C’est avec eux qu’a commencé la nouvelle perception de l’Ukraine moderne. Ils ont créé l’opéra « IYOV », reconnu comme étant l’un des meilleurs opéras au monde, le groupe populaire « DakhaBrakha », le freak-cabaret Dakh Daughters et « TseCho » (C’est quoi ? — trad.). C’est ici qu’est né le festival GogolFest, qui fut d’abord un festival itinérant et qui s’est répandu peu à peu dans plusieurs villes ukrainiennes. Tous les projets de DAKH (Le toit — trad.) et de son fondateur Vlad Trojitskyi, réalisateur et enseignant, parlent de l’Ukraine dans son contexte mondial et ce sans aide aucune des institutions gouvernementales.
Le Centre d’Art Contemporain DAKH est le premier espace théâtral privé, apparu dans les années 90, lors de la Perestroïka. L’histoire de son fondateur et propriétaire, de l’homme d’affaires Vlad Trojitskyi, est atypique pour l’Ukraine. Né à Oulan-Oudé, en Bouriatie, en Russie, il déménage à Kyiv avec ses parents où il rejoint la faculté de génie radio à l’Institut polytechnique. Il rêve de faire de la science, mais est contraint de démarrer un business. Tout l’argent est dépensé (ou plutôt investi) dans la création de son propre centre d’art, où il initie une école de théâtre ouverte.
Trojitskyi invite les principaux maîtres du théâtre de recherche indépendant d’Ukraine et de Russie à enseigner à DAKH : KLIM (Volodymyr Klimenko), Boris Yukhananov, Valery Bilchenko, Igor Lysov, ainsi que le maître du théâtre psychologique ukrainien Volodymyr Ogloblin, devenu le directeur des premières représentations de DAKH.
Pendant ce temps, Trojitskyi apprend le métier de réalisateur à l’Académie russe des arts du théâtre (GITIS en russe ou RATI). Cependant, ce sont ces séances artistiques et éducatives effectuées librement avec une dizaine d’autres personnes, qui devinrent pour lui une école vivante du théâtre.
L’un des premiers projets artistiques de DAKH fut le festival-école « DAKH » de 1997. Ce fut un dialogue entre les maîtres et les élèves, entre les représentants de différentes écoles de théâtre et de méthodes. Le talent artistique particulier de Vlad, à savoir la capacité à combiner ce qui semblait incompatible en un alliage artistique original, s’est manifesté dès cette époque. Trojitskyi lui-même souligne constamment que c’est grâce à la combinaison des stratégies créatives de ses professeurs, qu’il a pu devenir un véritable réalisateur.
C’est pourquoi DAKH, qui est avant tout un théâtre, a abrité autant d’événements artistiques. Pour Vlad Trojitskyi, le théâtre est un lieu de rencontre de l’homme avec l’homme à travers la co-création, de l’homme avec le mystère de sa propre vie. Ce territoire artistique s’est fondamentalement construit sur les principes d’ouverture et de dialogue.
DAKH a toujours su rassembler énormément de personnes autour de spectacles, d’écoles de théâtre ou d’événements artistiques, mais pas que. Les salons d’art (un format populaire pour les clubs de discussion de l’intelligentsia créative, où les événements culturels et socialement significatifs étaient généralement discutés), apparus en 2003-2004, juste avant la Révolution Orange, sous l’impulsion de l’intuition clairvoyante de Trojitskyi, ressemblent aujourd’hui à une répétition générale de l’activisme politique ukrainien. Ce jeu d’anticipation se manifeste constamment dans le choix du répertoire des performances de DAKH.
La plupart des projets artistiques de Vladislav Trojitsky : le festival international multidisciplinaire d’art contemporain GogolFest, les groupes « DakhaBrakha » et Dakh Daughters, le projet Nova opera, le groupe « TseCho », sont nés des performances du théâtre DAKH, de l’initiative des comédiens et de la capacité de l’auto-organisation de ce petit mais si puissant espace.
DAKH évolue constamment, tout en demeurant inchangé dans son essence. Plusieurs générations artistiques ont grandi ici, plusieurs formats de projets, de caractéristiques fonctionnelles du lieu, de mouvements tactiques y ont vu jour. Mais le message principal reste le même : connecter les différences pour montrer une profondeur commune et fondamentale.
Vlad Trojitskyi. Le début de la métamorphose
L’année 1994. Le groupe « Braty Hadiukiny » (Les Frères Vipères — trad.) enregistre le morceau « Fajne Misto Ternopil » (Chouette ville Ternopil — trad.) et le groupe « Plach Eremii » (Les pleurs d’Eremii — trad.) le morceau « Lish Vona » (Seulement elle — trad.) sur les textes de Kostia Moskalec. Difficile d’imaginer un musicien de rue ou une soirée étudiante sans ces deux hits légendaires même aujourd’hui. Les films « Léon » et « Les Évadés » sortent sur les écrans des cinémas mondiaux, sauf en Ukraine : il n’y a pas de distributeurs.
C’est à ce moment que le théâtre DAKH s’installe au rez-de-chaussée d’un immeuble résidentiel ordinaire à plusieurs étages de la rue Lybidska. À cette époque, cette station était encore le terminus de la ligne bleue du métro de Kyiv. Les immenses zones industrielles ont été depuis remplacées par des zones d’habitation : le site du centre commercial « Ocean Plaza », juste en face du théâtre est devenu un marché et un lieu de départ des minibus vers la banlieue de Kyiv. La place était surplombée d’un monument en l’honneur des Tchékistes, démantelé en 2016. Aujourd’hui, c’est un lieu extrêmement animé au croisement des différents itinéraires de la ville de Kyiv.
— J’étais une personne totalement différente il y a vingt-cinq ans. Que faisait cette personne que je n’arrive plus à comprendre ? Ce fut un pas complètement fou. J’étais endetté. Ce fut des temps sombres, romantiquement sombres. Ce sont les folles années 90 : les bandits, les flics et tout ça. Comme dans le film « Bumer ». Je ne l’ai jamais vu, mais je comprends les tentatives de romancer cette période. En réalité, les temps étaient sombres. Et me voilà qui décide soudainement de privatiser un local.
DAKH ne fut pas le premier espace artistique de cet immeuble. Avant, il abritait la petite scène de TUG (Théâtre du jeune spectateur). La privatisation du local s’est avérée compliquée. Tout d’abord en déménageant, TUG a embarqué absolument tout, même les prises. Alors, dans les années 90, le théâtre a été rénové, ce que Vlad considère comme un certain patrimoine historique et l’esprit de ce théâtre :
— Il y avait dans cet espace une petite odeur du théâtre sovietique, il fallait donc tout nettoyer. C’est avec ma femme, mon père et ma mère que nous avons tout rénové. Je me suis endetté davantage pour le réparer. Qu’est-ce que diable je faisais ? Je ne comprends pas. Vraiment. Oui, c’est de la folie. Mais ce qui est fait est fait. Comme dit KLIM : nous mourons de regrets pour des affaires inachevées. Il y a donc toujours un choix : faire ou trouver 500 millions excuses pour ne pas le faire.
Vlad a été inspiré non pas par l’espace en lui-même, mais bien par les opportunités qu’il offrait. Le petit espace est devenu un lieu de fusion de différentes écoles de mise en scène et de folklore. C’est ici qu’a eu lieu la synthèse entre le théâtre réaliste de Volodymyr Ogloblin, le théâtre de textes d’Igor Lysov, le théâtre psychologique, ludique et mystérieux de Boris Yukhananov et le théâtre de bouffonnerie intellectuelle de Valery Bilchenko. Les projets communs ont été incarnés par Nina Matvienko, les groupes « Drevo » (Arbre — trad.) et « Bozhichi » (« Dieux » — trad.).
Tout a commencé avec les performances d’étudiants, que Trojitskyi organisait avec son camarade Oleg Skripka, quand il étudiait à la faculté génie radio à l’Institut Polytechnique. C’est là que Vlad a rencontré le dramaturge et metteur en scène KLIM, devenu une pièce maîtresse de DAKH.
— Nous sommes allés à Moscou, où KLIM et Yurko Yatsenko travaillaient avec Anatoly Vasiliev. Nous avons montré une partie de notre art dans le sous-sol de KLIM. À cette époque, Oleg Skripka faisait partie de notre bande. Lui et moi vivions ensemble dans les dortoirs de l’Institut Polytechnique. J’ai dansé dans son groupe « VV » (le groupe « Vopli Vidopliasova » — éd.).
KLIM
Volodymyr Klimenko est considéré comme un réalisateur russe qui a déménagé en Ukraine. Cependant, il est né en Galicie, dans le village de Berezdivtsi. Volodymyr a atterri dans le monde du théâtre grâce à son rôle de conducteur au théâtre dramatique de l’université nationale Taras-Chevtchenko et de là, il entra à l’Institut du Théâtre de Moscou.
— Vlad a une curieuse capacité de rassembler ce qui est à première vue impossible de rassembler. Il est la personne qui crée avec l’énergie des choses qu’il est impossible, de mon point de vue, de combiner. J’étais la personne qui était là et j’ai été émerveillée par ce talent. Le soir nous discutions. Il m’a sauvé, car il m’a amené de Moscou, d’une situation de crise totale, ici, dans ce monde.
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KLIM et Trojitskyi se produisent ensemble depuis 1999. Ce qui les unit, c’est le fait d’avoir commencé à faire du théâtre à l’âge adulte — tous deux avaient plus de 30 ans.
— Nous n’avons pas où nous cacher et c’est très important. Les temps changent et tu te retrouves dans la situation où tu dois tout recommencer. Tu vas vers l’inconnu et tu n’as que ce petit toit, ce tout petit espace. Mais seuls survivent ceux pour qui, une injection droit dans le cœur est possible. Elle est parfois possible dans sa jeunesse, quelqu’un a de la chance et il est capable de résister à ces injections. DAKH est un espace où cette injection dans le cœur a lieu, où il y a du courage pour cette injection. Je ne m’enfuis pas, mais je dis : « Eh bien, oui, ils m’en injecteront de nouveau. »
Le projet emblématique de DAKH, basé sur les pièces de KLIM, est une série de performances « Sept jours avec un idiot », inspirées des textes de Dostoïevski. KLIM a également réalisé de nombreux projets hors DAKH. Comme par exemple, le fruit de sa collaboration avec le Théâtre Les Kurbas de Lviv, qui est un projet basé sur un remake du classique de Nietzsche « Ainsi parlait Zarathoustra ». Cette pièce était une tentative de transposer les pensées de Nietzsche / Zarathoustra dans les réalités ukrainiennes d’aujourd’hui et d’introduire l’une des œuvres philosophiques européennes majeures du XXème siècle dans le contexte de la culture ukrainienne moderne.
DakhaBrakha
Le groupe « DakhaBrakha » s’est formé en 2004 dans le théâtre DAKH, spécialement pour le projet « Mystical Ukraine ». Ils ont été la découverte de la scène de la Révolution orange et ont commencé leur activité créative indépendante en dehors des murs du théâtre. Le projet « Mystical Ukraine » avait pour objectif de créer un nouveau mythe de l’Ukraine et des ukrainiens eux-mêmes. Vlad Trojitskyi a choisi le folklore et l’authenticité, ainsi que le processus de leur régénération.
Le premier line-up de « DakhaBrakha » ce sont quatre solistes du groupe « Kralytsia » sous la direction d’Ivan Sinelnikov, qui combinaient chant et jeu sur des instruments de musique. Plus tard, Marko Galanevich les a rejoints. Lui, ainsi que Nina Garenetska, Iryna Kovalenko et Olena Tsybulska, ont créé ensemble un style unique du groupe : l’ethno-chaos, qui, selon eux, « secoue l’établi, change les accents habituels, expérimente la forme pour une traduction plus précise et suggestive d’un sens profond ».
Le groupe « Dakha Brakha », comme le reste de ses projets, a été pensé par Vlad Trojitskyi dans le but de représenter l’Ukraine dans le monde :
— Je veux mettre cela dans le contexte mondial, je ne suis pas intéressé par les histoires purement locales. Par conséquent, tous les projets qui naissent à DAKH, s’inscrivent immédiatement dans le contexte mondial et pas uniquement ukrainien.
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L’activité du groupe a commencé par des expéditions à travers l’Ukraine, à la recherche du folklore et de la mélodie ukrainiens. Ils enregistraient d’anciennes chansons oubliées pour leur donner ensuite une nouvelle vie. Yuri Khustochka, co-fondateur d’Okean Elzy et d’Esthetic Education, a rejoint la production sonore de leur album Light et l’album Alambari de 2020 a été enregistré au Brésil. La vaste emprise géographique de leurs performances, qui couvre désormais presque tous les continents, a permis au groupe DakhaBrakha de devenir les ambassadeurs culturels les plus reconnaissables de l’Ukraine dans le monde. Le projet « Mystical Ukraine », censé créer un nouveau mythe des Ukrainiens sur eux-mêmes, a bien eu lieu, mais plus sur le plan musical que sur le plan théâtral.
Vous pouvez en apprendre plus sur les membres du groupe « DakhaBrakha » et sur leur vision de Kyiv dans un des épisodes de notre émission « Ambassadeurs ».
Iryna Horban est un autre membre du groupe, le manager et celle qui a introduit le groupe dans le monde des tournées. Iryna est née à Kharkiv, a grandi dans ce qui est aujourd’hui le territoire occupé Yevpatoria, est entrée pour la première fois au DAKH en première année d’université grâce à une pièce de théâtre à laquelle le groupe « Bozhichi » a participé, et a ensuite obtenu un entretien.
— J’ai commencé à travailler le 8 mars 2005. Marko Galanevich fut la première personne que j’ai rencontrée. Il était alors comédien, technicien, et éclairagiste, et plus généralement le gérant et ici, comme à la maison, il marchait en pantoufles. « Eh bien, bonjour », m’a-t-il dit. Nous avons commencé à parler et il s’est avéré que nous avions beaucoup d’intérêts communs, et c’est ainsi, doucement, que je suis entrée avec succès dans cette histoire.
Juste à ce moment-là, a démarré le projet « Macbeth. Prologue », qui était déjà depuis plusieurs mois sous la forme telle que nous la connaissons aujourd’hui. Vladislav Trojitskyi voulait repousser les limites de DAKH, afin que les comédiens puissent voyager davantage. Le devoir d’Iryna était donc de trouver des contacts à l’étranger et des festivals internationaux pour promouvoir le spectacle.
— Vlad avait tout de suite compris qu’un petit théâtre privé devait avoir de grandes ambitions et si nous devenions importants et connus à l’étranger, nous pourrions être reconnus en Ukraine. Il a tout de suite marqué ce chemin, il était très intéressé de percer à l’Ouest.
Plus tard, Iryna est devenue manager du groupe « DakhaBrakha », qui a pu effectuer en un an plusieurs tournées à part entière dans l’Amérique du Nord, une dizaine de festivals internationaux ; de l’Australie à la Suède. « DakhaBrakha » est devenu le premier, parfois même le seul, représentant de l’Ukraine aux plus grands festivals de musique du monde, tels que Glastonbury, Roskilde festival, Bonnaroo, Lowlands, Womad, WOMADelaide, WOMEX, Sziget, Fusion, GlobalFEST, Helsinki Festival, Med, Mundial, Oslo World Music Festival, Pohoda, Rudolstadt, Cinars, Dublin World Music Festival, Ethno Port et bien d’autres. C’est le seul groupe à avoir participé à l’émission légendaire « Later… » avec Jools Holland sur BBC, ainsi que sur les radios KEXP et NPR.
En 2020, le groupe a remporté le prix ukrainien le plus prestigieux : le prix Chevtchenko — pour l’album « Shlyah » (le chemin — trad.). Ainsi, Vlad Trojitskyi est à l’origine de deux nominations à la fois, car l’opéra « IYOV » de son projet Nova Opera a également été récompensé.
Nova Opera
Le collectif musical Nova Opera a été formé en 2014 sous l’impulsion de Vladislav Trojitskyi avec l’opéra d’improvisation « Coriolan », qu’il a ensuite présenté au GogolFest, et qui a été rejoint un an plus tard par les compositeurs Roman Grigoriv et Ilya Razumeiko. À l’été 2015, l’opéra de requiem IYOV a été créé en trois semaines, basé sur des textes bibliques — le Livre de Job issu de l’Ancien Testament. En 2018, « IYOV » est entré dans le top 10 des meilleurs opéras du monde selon Music Theatre NOW.
Durant six années, ce collectif musical a créé environ une dizaine d’opéras différents et quelques performances notables, comme le grand-opéra « Νερό » (Nero) au festival StartupGogolFest à Marioupol en 2019. L’action se déroulait au chantier naval d’Azov avec la participation de grues et de chargeurs. Certes, les performances et les spectacles sur le territoire d’usines abandonnées ne surprennent plus personne. Mais Nova Opera, avec Trojitskyi à sa tête, a décidé de faire un projet artistique à une échelle incroyable dans une usine active, voire stratégique de par son positionnement proche de la ligne de front et bloquée en raison de l’occupation de la Crimée.
GogolFest
Ce festival, apparu en 2007, est devenu l’un des premiers événements de l’Art Arsenal, et il y est resté durant trois ans, jusqu’à ce qu’une nouvelle équipe managériale, avec Nataliya Zabolotnaya à sa tête, vienne à l’Art Arsenal.
Depuis, a démarré le compte à rebours du GogolFest en tant que festival itinérant. Au début, Vlad Trojitskyi voulait trouver un lieu permanent différent pour le festival, mais plus tard, la vie nomade est devenue l’une des caractéristiques du festival, qui investissait de nouveaux et nouveaux espaces de la ville. Ainsi, en 2010, il y a eu une tentative de s’installer dans le studio de cinéma Dovzhenko à Kyiv où le festival s’y était tenu, mais à cette époque, le pouvoir du kleptocrate Ianoukovitch se déployait en Ukraine et toutes les initiatives publiques et culturelles semblaient être en pause. GogolFest lui-même a été mis en pause sur une courte période, bien que Vlad Trojitskyi ait tenté de trouver des alliés au sein du ministère de la Culture et de l’administration de la ville de Kyiv pendant plusieurs années consécutives, mais il n’y avait pas eu de soutien de l’État pour le festival à ce moment-là.
Cependant, en 2010, le festival a non seulement eu lieu au studio de cinéma Dovzhenko, mais il a également eu une première sur la place Maïdan. Une dizaine de milliers de personnes se sont rassemblées à cette occasion. Au début, une sphère métallique avec des acrobates à l’intérieur se balançait du côté de la rue Gorodetsky. Puis, une énorme poupée mannequin avec des tatouages sur le corps a émergé, et une roue rouge avec des cascadeurs à l’intérieur, au lieu des écureuils, a roulé sur la place. Le conservateur du festival Andriy Palatny raconte :
— C’était un personnage de quarante mètres marchant sur la place de l’Indépendance. L’ouverture du festival était un grand événement, une collaboration avec le plus grand et le plus célèbre théâtre de rue au monde ; « La Fura Dels Baus » (Espagne). D’immenses objets y ont été amenés avec l’implication d’un grand nombre de bénévoles et d’artistes. C’était fantastique.
À partir de 2012, le festival s’est installé durant quelques années sur le territoire d’une usine abandonnée à Vidubichi, puis il s’est tenu au centre d’expositiong VDNG en 2015, puis dans le centre Dovzhenko en 2017. Ensuite, le festival s’est répandu au-delà de Kyiv et s’est produit en 2019 dans trois villes ukrainiennes : Dnipro, Vinnytsia et Marioupol. En 2020, une dizaine de festivals étaient prévus, mais ont dû être annulés à cause de la crise sanitaire.
Vlad Trojitskyi raconte que l’idée de GogolFest lui est venue à Londres. Il avait pensé à un festival multidisciplinaire, qui rassemblerait des domaines complètement différents. Rien de tel n’existait en Ukraine à ce moment-là. Selon Vlad, c’est cette diversité et cette prévalence dans différentes villes qui ont assuré au festival des victoires internationales — il est devenu l’un des cinq lauréats du prestigieux prix européen EFFE Awards 2019-2020 de l’European Festivals Association en tant que meilleur festival.
— Avant, c’était un festival purement de Kiev, aujourd’hui il est national. C’est-à-dire qu’il unit ceux qui « lient le pays ». Tout le monde parle de la liaison du pays, mais tout le monde ne comprend pas la technologie derrière. En fait, ils l’ont fait en utilisant la technologie de couture du pays. Plusieurs milliers de personnes sont venues ici à Marioupol. Eh bien, pourquoi viendraient-ils ici ? Maintenant, ils viendront aussi à Ternopil, à Oujhorod. Il y aura une compréhension mutuelle et une rencontre horizontale des gens.
Dakh Daughters
Si DakhaBraha est le précurseur de la Révolution orange de 2004, les Dakh Daughters apparaissent juste avant la Révolution de la Dignité de 2013. Bien que le groupe se soit formé une bonne année avant les événements, c’est leur clip « Rozy / Donbass », sorti juste avant l’été, qui les a rendus populaires. Il s’agit de l’une des vidéos les plus émouvantes du temps de la Révolution de la Dignité où sont représentés les préparatifs au théâtre DAKH juste avant la performance de Dakh Daughters sur la place Maïdan.
Le père du groupe est encore une fois l’infatigable Vlad Trojitskyi avec les sept filles du théâtre DAKH : les actrices qui ont chacune son side project. La plupart du temps, elles font des tournées dans la France entière. Ira Gorban, chargée de la gestion de DakhaBrakha, travaille également avec Dakh Daughters.
— DakhaBrakha et Dakh Daughters c’est un grand mérite de Vlad, qui aime tellement la vie qu’il essaye sans cesse de maximiser son potentiel dans tout. Il nous a appris à vivre chaque jour comme le dernier. Nous devons tous travailler à notre maximum. Travailler et en profiter, car c’est cela notre vie. Nous ne séparons pas vraiment notre travail de notre vie, car tout est intimement lié.
La nouvelle génération
« TseCho » est l’un des nouveaux projets DAH qui a vu le jour en 2017, et jusqu’à présent l’un des rares à ne pas avoir conduit à une révolution. Ce projet musical et théâtral, une sorte de « rave sociale » a participé à la sélection d’artistes pour l’Eurovision en 2019, mais n’est pas allé jusqu’en final. En automne 2018, « TseCho » a fait une tournée de 13 concerts aux Etats-Unis avec leur programme Center Stage.
Lors de notre tournage, début 2020, le théâtre répétait un nouveau projet de l’opéra de chambre « Stus : le passant », basé sur la poésie de Vasily Stus. Parallèlement, la membre de Dakh Daughters, Ruslana Hazipova, travaille activement sur son propre projet Ragapop. Comme vous l’avez compris, Vlad Trojitskyi et son énorme équipe ne comptent pas rester sur leurs acquis.
Qu’est-ce que finalement DAKH ?
D’un petit espace de la rue Lybidska, DAKH s’est transformé en un laboratoire culturel à échelle mondiale. C’est là que naissent les significations et les concepts qui changeront et influenceront le code culturel des Ukrainiens et de l’Ukraine. Un réalisateur — Vlad Trojitskyi — avec la participation de nombreux interprètes et co-créateurs, a réussi à transformer une idée folle en une cause dont l’écho peut être entendu sur tous les continents. Grâce aux idées générées dans ce laboratoire, des centaines de milliers de personnes arrivent à se forger une image de l’Ukraine.
— Il y a ce microDAKH. Les proportions de la surface, c’est sans doute ce qu’il y a de plus important dans notre pays. Au début, il y avait une image – un escargot avec un toit, sa cabane, qui « rampe sur les pentes du Fuji (Fujiyama – un volcan au Japon) jusqu’au sommet ». À ce moment-là, lorsque l’idée a été proposée, je ne l’ai pas comprise jusqu’au bout. En réalité, cela porte bien son nom. Vingt-cinq ans se sont écoulés, et je comprends que DAKH, avec sa position honnête et sans hâte, ses pensées sans précipitation, n’a peut-être pas encore atteint le sommet, mais au moins s’y dirige. Beaucoup de gens qui viennent ici se retrouvent soudain dans une dimension complètement différente, ils ressentent quelque chose de réel dans l’atmosphère. Eh bien, nous inspirons ici, n’est-ce pas ?
supporté par
Ce matériel a été traduit par le soutien de l'Institut Ukrainien